Le titre du troisième roman de Sema Kaygusuz, L'éclat de rire du barbare, incite à penser que son livre n'est pas banal et reconnaissons-lui cette originalité, il ne l'est pas. Chronique d'une villégiature dans un motel au bord de la mer Egée avec une poignée de touristes turcs très vite caractérisés, il débute avec un acte infâme : les serviettes de bains de l'établissement ont toutes été maculées d'urine. Commence alors une tragi-comédie où l'on n'a de cesse de chercher un coupable idéal d'autant que l'incident se reproduira. Ce n'est pas l'enquête qui intéresse Sema Kaygusuz mais bien les réactions de ses personnages et le climat délétère de suspicion qui s'installe. Un prétexte pour que l'auteure se livre à une radiographie cinglante de l'état de la société turque. Cette description peu amène est censée être nuancée par un humour que l'on qualifiera de jaune ou noir, c'est selon. L'éclat de rire du barbare est une lecture assez déconcertante avec l'impression de voir la romancière s'acharner sur les protagonistes d'une histoire qui se résume au seul méfait relevé plus haut au gré de saynètes qui s'enchaînent sans que l'on comprenne vraiment à quelle logique elles répondent. Il y a aussi des considérations philosophiques et des extraits d'un journal intime dont la bienveillance n'est vraiment pas la qualité première. Certains dialogues sonnent faux, est-ce une volonté de l'auteure ou un défaut de traduction (peu probable), on se perd en conjectures. La littérature turque contemporaine est un instrument essentiel dans une lutte de tous les instants contre des autorités qui censurent et restreignent de plus en plus les espaces de liberté. C'est d'autant plus rageant de rater son rendez-vous avec un livre dont on aurait aimé vanter l'ironie, l'intelligence et l'impertinence. Serait-ce la faute d'un lecteur déboussolé, plus que de la romancière ? C'est bien possible.

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le 26 mai 2017

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