Je ne pense pas avoir jamais ressenti autant de soulagement à refermer un livre.


Sérieusement, il FALLAIT que ça s'arrête...


Je ne suis pas particulièrement sensible, enfin, disons pas particulièrement retorse aux lectures intenses, mais je dois dire que la lecture de ce livre s'est avérée très éprouvante.


Dans ce récit mêlant autobiographie et nouveau journalisme, Alexandria Marzano-Lesnevich raconte comment nos convictions les plus profondes peuvent vaciller en un instant.


Cet instant, pour cette fervente opposante à la peine de mort, c'est celui où, alors stagiaire dans un cabinet d'avocats spécialisé dans les dossiers où la peine de mort est encourue, elle assiste aux aveux filmés de Ricky Langley.


C'est que Ricky Langley, en février 1992, a tué le petit Jeremy Guillory, 6 ans.


Mais surtout, Ricky Langley est un pédophile.


Or confrontée aux propres violences sexuelles qu'elle a subies pendant 5 longues années de son enfance, Alexandria en est certaine, elle veut que Ricky meure.


Avec force détails, parfois trop il me semble, Alexandria Marzano-Lesnevich raconte son histoire et celle de Ricky Langley, démontrant tout ce que leurs trajectoires, qui paraissent pourtant diamétralement opposées, voire antagonistes, ont en commun.


Elle questionne sur les notions de victime et de bourreau, tant la frontière entre les deux est parfois floue.


Formidable réflexion sur la résilience, L'empreinte rappelle à quel point les faits s'inscrivent dans nos vies vies, dans notre corps.


Le récit met en lumière, jusqu'à l’écœurement, les ravages du silence et des non-dits, notamment au sein de la famille, qui privent les individus d'une part de leur histoire, pourtant inscrite en eux, et les empêchent de se construire.


Alexandria Marzano-Lesnevich expose par ailleurs brillamment le conflit de chaque juriste: concilier la règle de droit et la complexité des agissements humains.


J'ai quelques réserves sur la traduction, ou en tout cas la transposition des concepts fondateurs des procédures civile et pénale qui sont très différentes entre les Etats-Unis et la France, de sorte que les explications purement juridiques semblent parfois peu pertinentes.


Néanmoins, le conflit est réel, et universel, et, c'est quand même le comble, les interludes juridiques constituent de vraies pauses dans le flot d'émotions contradictoires qu'impose la lecture de cet ouvrage.


D'intelligence, le récit n'en manque pas, il est également extrêmement dérangeant, et révoltant à plus d'un titre.


Je ne suis pas encore certaine de pouvoir le conseiller, en dépit de ses indéniables qualités, ou alors après avoir insisté sur la nature très explicite de son contenu, qui m'aurait peut-être fait hésiter si j'en avais eu connaissance avant d'entamer ma lecture.


Mais si vous décidez, à vos risques et périls, de plonger dans cette histoire, vous ne serez certes pas déçu.

Chatlala
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le 6 mars 2019

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Chatlala

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