Une analyse sociologique pleine d'acuité d'un moment particulier de la société japonaise. Mita Munesuke va bien au-delà des mornes analyses comptables de la sociologie classique en dévoilant la "signification existentielle des faits statistiques". Suivant la trajectoire d'un jeune adolescent devenu criminel, N.N., de sa province rurale à sa tentative d'adaptation à la vie de Tokyo, c'est tout l'arrière-plan d'un système social centré sur l'expansion rapide du capitalisme en cette époque qui est ici dévoilé, avec ses conséquences sur les individus qui y sont confrontés dans leur vie quotidienne. La plupart plongeant dans la résignation en ravalant leurs colères et leurs frustrations. D'autres, comme N.N., laissant cette colère prendre une dimension criminelle. Les structures de domination n'ont aucun goût pour des analyses sociologiques aussi pointues et pour ce qu'elles révèlent de leur monde. C'est pourquoi, elles préfèrent continuer à les ignorer, en niant aux cas particuliers toute signification. Ce n'était pas l'avis de Mita Munesuke qui, il y a 50 ans, prit ainsi date par cet ouvrage qui garde donc une grande part de son actualité.
"L'existence humaine, cela va sans dire, consiste en la somme des relations sociales que les individus sont amenés à tisser dans la réalité du quotidien. Or, dans la mesure où elle distord l'une après l'autre toutes les relations qu'ils tentent de nouer, la focalisation exclusive sur ces formes d'extériorité modèle de façon inéluctable leur destin. (...) les façonne et les transforme pour en faire des êtres totalement étrangers à eux-mêmes."
"La structure flexible du système de domination contemporain comporte de nombreux dispositifs permettant de tourner en dérision le déshérité et de digérer son existence en tant que telle."
"Certains sont plus pauvres, et plus méprisés, que d'autres. En tant qu'elle nous différencie d'emblée et en permanence de nos propres frères, l'expérience de la misère et de l'humiliation est donc une expérience de la solitude. C'est pourquoi, dans la mesure où elle reste arrimée à cette discrimination directe, elle se vit aussi comme une expérience de la rancune et de la colère envers eux."