L'histoire commence à Sumer par Franc_cot

Ce livre a été publié pour sa première édition en 1956, et pourtant, il n’a pas perdu une ride. Samuel Noah Kramer était un assyriologue américain né en 1897 dans l’Empire russe (à Zhytomyr, en Ukraine actuelle). Ce livre est le résultat de nombreuses traductions qu’il a effectuées lui-même en arpentant les musées d’Istanbul, Paris, Londres ou Philadelphie.

Je dois dire qu’il m’a beaucoup plu, même si son format pourrait déplaire à certains. Le livre présente, dans chacun des chapitres, une tablette ou une histoire que Kramer et d’autres assyriologues ont pu reconstituer à partir des nombreuses tablettes malheureusement dispersées à travers le monde.

On retrouve quasiment le même format dans tous les chapitres : une introduction qui présente le thème principal du chapitre comme une première dans l’histoire de l’humanité, des explications sur les tablettes, des extraits, puis une conclusion.

Je dois avouer qu’au départ, je m’attendais à une présentation historique de Sumer et de sa civilisation. Mais on tombe plutôt sur une succession de textes, de commentaires de ces textes et de mises en contexte. Ce n’est pas désagréable, et cela change des autres livres d’histoire, mais j’avoue avoir été un peu pris au dépourvu au départ.

Sur le contenu en lui-même, il faut rappeler que le père de Kramer dirigeait une école hébraïque, ce qui signifie que Kramer a sans doute reçu une éducation religieuse et en a découlé une solide connaissance de l’Ancien Testament. C’est pour cela qu’il nous présente de nombreuses tablettes permettant d’établir des liens, plus ou moins proches, entre les récits sumériens et ce que l’on retrouvera plus tard dans l’Ancien Testament. Par exemple, on peut mentionner le Déluge, déjà présent dans l’épopée de Gilgamesh, la possible explication de l’origine d’Ève (une côte d’Adam) à cause d’une mauvaise traduction, ainsi que l’inspiration du Cantique des Cantiques.

À son époque, Kramer évoquait également une hypothèse :

• Il pensait que les Sumériens auraient pu être des envahisseurs provenant du pourtour de la mer Caspienne et qu’ils étaient arrivés en troupe nomade pour menacer une civilisation déjà existante.
• Il y aurait eu une civilisation préexistante issue d’un mélange entre des Sémites de l’Ouest et des Élamites du sud de l’Iran.

Aujourd’hui, avec les études génétiques, on sait que les Sumériens avaient surtout des composantes génétiques du Moyen-Orient et qu’ils n’étaient pas des envahisseurs venus d’ailleurs. L’étude du BMC (Biomed Central) sur les Arabes des marais d’Irak, considérés comme des descendants proches des populations sumériennes, montre une composante majoritairement issue du Moyen-Orient. Donc, rien à voir avec des envahisseurs venus d’Asie.

Cependant, Kramer avait conscience que, dans le futur, des découvertes viendraient enrichir le corpus que nous avons de la civilisation sumérienne. Son livre sur l’histoire de Sumer montre également sa curiosité pour les autres civilisations, et il tente des comparaisons entre les Sumériens et les Indo-Européens sur la thématique des récits des temps héroïques : d’un côté, avec l’histoire de Gilgamesh, et de l’autre, avec l’Iliade et l’Odyssée, mais également avec les Vedas, même s’il ne les nomme pas explicitement.

L’Histoire commence à Sumer, bien qu’un peu daté, reste une très bonne porte d’entrée pour découvrir la civilisation sumérienne, même s’il n’y a pas de présentation chronologique avec une succession d’événements. Ce sera plutôt une succession de moments, d’histoires qui permettront, au fur et à mesure, de comprendre un peu la pensée sumérienne.

C’est un livre de découverte, d’introduction, qui nous fait remonter à plus de 5 000 ans d’histoire.