Il y a dans La Collision quelque chose d'inerte et de brûlant à la fois — comme un souvenir qu'on n'arrive pas à déposer. Paul Gasnier écrit un roman sur l'après, sur ce qui demeure quand tout a déjà eu lieu. Un accident, bien sûr, mais surtout une faille dans la continuité du réel, une fissure dans la voix de celui qui raconte. On lit ce livre comme on traverse une route déserte après la pluie : on regarde les flaques pour éviter de se regarder soi. L'auteur ne cherche ni le lyrisme ni la beauté : il taille dans le vif. Les phrases sont courtes, parfois brutales, souvent suspendues au bord du silence. Il y a des pages où rien ne se passe, où le monde semble s'être arrêté dans une lumière pâle. Et c'est peut-être là que le roman dit le plus : dans ces blancs, ces respirations où l'on devine la culpabilité, la peur, la tendresse étouffée. Ce qui dérange, ce n'est pas l'accident — c'est ce qu'il révèle. Derrière le choc, il y a la banalité des jours, la mécanique d'une existence sans drame visible. Gasnier filme le réel comme on observe un miroir fendu : tout y est, mais rien ne tient ensemble. Les personnages parlent peu, pensent à peine, avancent comme des somnambules. On sent que l'auteur ne les juge pas, mais qu'il s'en méfie : il les regarde s'enfoncer dans leur solitude, dans cette collision lente entre les vivants et les morts. le style, d'une froideur presque clinique, touche parfois juste — quand il laisse filtrer une émotion sans prévenir. Il y a des éclats : une odeur d'essence, un souffle dans le vent, une main posée sur une portière. Mais ces moments demeurent rares, trop vite effacés par la retenue générale du texte. le livre se tient à distance de lui-même, comme si l'auteur craignait de tomber dans ce qu'il décrit. La Collision n'est pas un grand roman, mais il a cette honnêteté rare : celle de ne pas tricher avec la douleur. Gasnier ne cherche pas la catharsis. Il montre simplement comment un événement minuscule peut faire dérailler une vie, comment une faute, un geste, un son, restent dans la mémoire comme un choc sans fin. On ressort du livre avec un goût d'asphalte et de pluie froide, un silence dans les mains. Et c'est peut-être ça, au fond, le vrai sujet : le moment où tout s'arrête — et où, malgré tout, on continue à marcher. Ma note : 14 / 20
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