Kropotkine, dans La Conquête du Pain, réfléchi sur comment faire ce que les anarchistes appellent la Révolution sociale. Il découpe en chapitres très clairs et distincts chaque parties qui composent une société et il développe sur le rôle que chacune peut (et doit) avoir dans la révolution sociale. Nous pouvons répartir ses chapitres en deux catégories : ceux qui s'inscrivent dans le mouvement et dans les idées politiques (Le Communisme Anarchistes, L'aisance pour tous, L'expropriation, Le salariat collectiviste, La libre entente, La division du travail) et ceux qui concernent les moyens matériels et nécessaire à la prospérité de l'Homme (Les denrées, Le logement, L'agriculture, Le vêtement, Les voies et les moyens, Les besoins de luxe, Consommation et production).

Kropotkine, au-delà d'avoir une capacité d'analyse de la société, des mouvements et des personnages politiques extrêmement pertinente, développe ses idées avec une simplicité formidable ce qui rend ses œuvres très plaisante à lire.

De plus, il a une manière d'écrire qui pourrait être qualifier de "poétique" qui créait une réelle expérience esthétique durant la lecture. Ce qui peut alors paraître à l'origine comme un "simple" ouvrage développant un concept politique comme il en existe des milliers, devient une œuvres beaucoup plus large et complexe avec des sensations communes à la lecture d'un roman/d'un poème.


Dans La Conquête du Pain, comme son titre semble le mentionner, Kropotkine explique que pour réussir une Révolution, il faut donner du pain aux révolutionnaires. Il accompagne cette idée d'exemples historiques, notamment La Commune de Paris. Il nous dit que aucuns sièges ni aucuns mouvements de blocages ne peut tenir sans avoir une certaine réserve de pain (et de toutes les ressources nécessaires à la survie de l'Homme). Dès que le soir du changement radicale arrivera, il faudra aussitôt réquisitionner toutes ces ressources ; dès lors, la Révolution sociale aura enfin réellement ses chances d'aboutir. Kropotkine développe dans chacun des chapitres sur les moyens matériels comment répartir et utiliser ces ressources. Le mot est : se servir quand les ressources sont en abondances et rationner quand elles ne le sont plus. Kropotkine arrive nous seulement à venir avec un nouveau concept mais arrive en plus à prévoir les questions et les critiques qui pourrait lui être adressée et à y répondre d'or et déjà dans son livre.


Sur certains points même Kropotkine vient à être très largement en avance sur des revendications qui viendront historiquement bien plus tard. Notamment sur la question de la place des femmes dans la société et dans la révolution sociale. Peu avant avait eu une position aussi claire par rapport aux discriminations que subissaient et subissent encore les femmes. On peut mentionner Engels qui disait que "dans le foyer la femme est le prolétariat et l'homme est la bourgeoisie" pour décrire l'oppression vécu par les femmes. Même chez des auteurs très progressiste et à l'idée révolutionnaire on retrouve des positions clairement misogynes et réductrices à l'égard des femmes (on peut mentionner par exemple Bakounine ou Proudhon, tous deux des communistes libertaires comme Kropotkine). Ce dernier dit dans son livre que les femmes sont essentielles dans la révolution sociale et qu'en aucuns cas elles devraient être exploitées par les hommes.


L'un des points les plus intéressants dans l'œuvre de Kropotkine selon moi est la position qu'il prend par rapport aux paysans. Les communistes ont généralement une position assez hostile vis-à-vis de ces derniers. Kropotkine, lui, estime qu'ils sont mal compris et qu'ils ne se sentent pas représentés (il en parle d'ailleurs dans ses lettres à Lénine en 1920 où il dit que la centralisation du pouvoir au sein des grandes villes négligent les forces et l'énergie locale dont regorge la campagne). Notre auteur avance l'idée que pour que cette partie de la population se sente concernée par la révolution sociale, il faut que la ville leur apporte ce dont ils ont besoin (des outils, de la main d'œuvre) ; alors les paysans ne verrons plus d'inconvénients à partager leurs productions. C'est ce que Kropotkine appelle : l'entraide.

En lisant La Conquête du Pain, on se rend bien compte qu'il sait de quoi il parle. Il développe dans son chapitre L'agriculture l'amour qu'il porte à la nature et à ce que peut donner la terre. Ce chapitre est d'ailleurs le plus "complexe" du livre car c'est celui dans lequel on retrouve le plus de chiffres et de tableaux, montrant le réel intérêt que porte Kropotkine à cet univers. Paradoxalement, c'est aussi le chapitre le plus poétique du livre. Il y décrit la beauté de la campagne et de la nature (ce qu'il fait aussi avec la ville mais d'une manière différente). C'est ce mélange là, des chiffres concrets et de la poésie qui fait que le livre de Kropotkine est une réelle expérience esthétique.


Pour Kropotkine la seule condition pour la liberté est l'émancipation de l'Homme de l'Etat et de toute centralisation du pouvoir. Seule l'organisation du peuple par l'entraide mènera à la fin de l'exploitation capitaliste et au bien être de l'humanité.

Crepegrincheux
10
Écrit par

Créée

le 10 oct. 2025

Critique lue 10 fois

2 j'aime

Crepegrincheux

Écrit par

Critique lue 10 fois

2

D'autres avis sur La Conquête du pain

La Conquête du pain
Ouksuke
9

Une parfaite introduction à la pensée anarchiste

Avec une belle plume, Pierre Kropotkine nous présente sa vision de la société anarchiste. C'est avec beaucoup d'humanisme qu'il explique pas à pas les tenants et aboutissant d'une telle révolution...

le 20 sept. 2024

1 j'aime

Du même critique

Sur écoute
Crepegrincheux
7

Il existe donc des bonnes séries ?

The Wire est une série qui nous plonge dans la ville de Baltimore au début des années 2000. A travers chaque saison, elle explore une partie de la ville. La saison 1 se concentre sur la lutte contre...

le 10 oct. 2025

2 j'aime

La Conquête du pain
Crepegrincheux
10

L'anarchie, stade suprême du communisme

Kropotkine, dans La Conquête du Pain, réfléchi sur comment faire ce que les anarchistes appellent la Révolution sociale. Il découpe en chapitres très clairs et distincts chaque parties qui composent...

le 10 oct. 2025

2 j'aime

Platform
Crepegrincheux
9

Le plus grand cinéma du monde

Platform est la synthèse du cinéma de Jia Zhang-ke, qui est peut être mon réalisateur chinois voir asiatique préféré (en débat avec Ozu). Le film illustre bien l'idée de Jia Zhang-ke de montrer son...

le 28 juin 2025

2 j'aime