The Wire est une série qui nous plonge dans la ville de Baltimore au début des années 2000. A travers chaque saison, elle explore une partie de la ville. La saison 1 se concentre sur la lutte contre le trafic de drogues, la saison 2 sur le port de la ville et la contrebande, la saison 3 sur les guerres de gang et les réformes, la saison 4 sur l'éducation, l'école et la reproduction sociale et la saison 5 sur le rôle des médias, leurs manipulations et la fabrication de réalités. Chacune introduit des nouveaux personnages et montre leur influence dans la mutation (chacun à leur échelle) de la ville.
The Wire est une œuvre qui se veut naturaliste. Elle cherche à représenter au mieux la situation des individus dans la société étasunienne. Cela se ressent avant tout selon moi dans sa mise en scène. On suit les personnages dans chacune des parties qui composent leur vie (travail, situation familiale, travers et défauts). De plus, un des points qui m'a le plus plu dans la mise en scène de la série est qu'aucune musique n'est ajoutée, les seules que nous entendons sont des musiques intra diégétiques. Cela permet une réelle immersion.
Sur son choix de représentation de la société, The Wire a une position quasi marxiste/structuraliste (toute proportion gardée). Elle montre comment les individus au fil des épisodes se font broyer par un système impersonnel. Il n'est jamais présenté un personnage comme étant un gentil ou un méchant mais plutôt comme le résultat d'un déterminisme social. Ce regard structurel que nous propose The Wire laisse peu de place à l'espoir. Là est d'ailleurs selon moi le principal propos de la série : rien ne changera temps que l'on ne change pas le système.
David Simon donne une vraie authenticité à la série de part le langage utilisé, le fait de montrer des vrais décors et des vrais habitants de Baltimore. Ces éléments donne à la série un style parfois proche du documentaire (genre cinématographique auquel je suis personnellement très attaché), rendant le rapport aux personnages de la série beaucoup plus intime et touchant.
La "lenteur" que certains spectateurs décrivent et critiquent permet en réalité de développer en profondeur les personnages et les intrigues qui s'entremêlent et se révèlent progressivement. Cependant, c'est à ce moment là qu'apparaît un défaut que j'ai trouvé dans la série : le développement des personnages s'arrêtent à certains points qui nous sont suggérés mais pas montrer, ce qui limite (dans le cas de The Wire) l'expérience du spectateur. Certaines violences ne sont pas explicitées, empêchant le spectateur d'être choqué et donc de faire complètement face à la brutalité de ce système. Je pourrais comparer aux films de Gaspar Noé (qui est l'un de mes réalisateurs préférés) comme Irréversible ou Climax où la violence est montrée brutalement suscitant de forte réaction chez celui qui regarde.
The Wire, comme je l'ai dit, est une œuvre cherchant à représenter la réalité le plus exactement possible. Paradoxalement, elle met en scène des personnages qui sont hors du commun. On retrouve par exemple Omar Little, gangster gay armé sifflant à chaque apparition (à la Ennio Morricone), Stringer Bell, à la fois dealer businessman et lisant Adam Smith, ou bien encore Jimmy McNulty, flic antisystème. Ces caractéristiques, certes créent des personnages inoubliables de part leur singularité, mais éloignent le naturalisme voulu de la série. De plus, au fur et à mesure que la série avance, certains personnages deviennent caricaturaux de part un développement peut-être un peu bâclé (je pense par exemple à certains journalistes dans la saison 5).
Malgré ça, The Wire réussit quand même son pari de représenter un système très complexe. Les différentes classes sociales sont montrées ; les inégalités entre elles aussi, les différentes couches sociales, du petit dealer de rue au maire, sont explorées et montrées avec la même précision et sans jamais incriminer qui que ce soit. Car The Wire est une critique (que certains pourraient qualifier de radicale) du système étasunien.
A l'instar de la majorité des séries, The Wire respecte l'intelligence de ses spectateurs en les plongeant dans cet univers sans indication et sans explication directes sur les enjeux. Elle sait poser les bonnes questions sur le rôle des institutions et leur légitimité. Ceux qui y voient une critique répétitive et pessimiste de la société n'ont pas compris tout ce que The Wire cherche à dire.
The Wire rejoint le cercle très fermé des bonnes séries, évitant les principaux défauts de ce format (prendre ceux qui regardent pour des abrutis, raccourcis et bâclage de la mise en scène, personnages clichés et répétitifs, etc...). Elle réussit à montrer dans sa quasi entièreté un système corrompu jusqu'à la moelle et les dégâts qu'il engendre qui sont toujours subis par le peuple.