Rebecca Schwart est née dans le port de New York, dans le bateau qui a amené sa famille aux Etats-Unis et qui fuyait l’Allemagne nazie. La famille de Rebecca avait les moyens de voyager et a pu obtenir tous les visas nécessaires. Jacob était professeur de mathématique à Münich. Et il a longtemps travaillé dans l’édition. Mais à Milburn (NY) où sa famille trouve refuge, la municipalité ne lui propose que le travail de fossoyeur. Et la maison attenante au cimetière pour loger sa famille. Il est humble. Et reconnaissant. Du moins en apparence. S’il témoigne ouvertement une certaine obséquiosité à ses employeurs, dans l’intimité son discourt est nettement mois élogieux : déception, ressentiment, puis haine l’étouffent chaque jour davantage. Tous les autres sont ses ennemis. Et il élève ses enfants dans cette rancœur extrême qu’il retourne bientôt contre eux. Jusqu’au drame alors que Rebecca est âgée de 13 ans.
Placée en foyer d’accueil chez son ancienne institutrice, Rebecca continue de grandir. Jadis bonne élève, elle perd pied peu à peu. Et quitte son confortable logement d’adoption pour un petit appartement qu’elle partage avec deux amies. Alors qu’elle occupe un emploi (au noir) de femme de chambre dans l’hôtel du coin, elle rencontre Tignor qui tombe sous son charme, bien décidé à l’amener dans son lit. Et il est prêt à l’épouser pour cela. Mariage qui est expédié en quelques minutes chez un obscur agent de probation, ami ou relation de Tignor.
Mais Rebecca ne connaîtra jamais (ou si peu) une heureuse vie de couple. Monsieur est continuellement sur la route pour son travail. Et quand elle met au monde Niley, il ne passe plus que de loin en loin visiter sa petite famille. Absence que Rebecca regrette amèrement au début. Mais elle apprend à apprécier sa solitude et craint maintenant les retours inopinés d’un homme mystérieux et inquiétant qui n’est visiblement pas ce qu’il prétend être.
Après une violente scène qui manqua de peu de la laisser pour morte, Rebecca quitta le domicile conjugal en pleine nuit, n’emportant que son enfant, quelques affaires et l’argent que Tignor lui avait jeté à la figure. Elle fuit, loin et vite, changeant continuellement d’endroit. Bientôt, l’opportunité de changer de nom se présentera. Rebecca Schwart disparaît au profit de Hazel Jones, un nom croisé par hasard quelques temps plus tôt et sur lequel Rebecca n’a plus cessé de s’interroger.
Sous leur nouvelle identité, mère et fils commencèrent une vie d’errance à travers l’état de New York. Errance qui les emporta jusque sur les bords du Saint-Laurent ou un nouveau personnage charismatique entra en scène : Chet Gallagher.
Avec la fille du fossoyeur, j’ai retrouvé une nouvelle fois les personnages écorchés si chers à l’auteur. Haine, violence, ressentiment, violence, alcool, plongée dans les bas fonds de la société américaine des années 50 et 60. Rebecca se débat pitoyablement durant les deux premiers tiers de livre avant de trouver une certaine aisance, un certain répit que le lecteur reconnaît avant le personnage principal. Car Hazel est aussi angoissée que l’était Rebecca. L’ombre de Tignor plane toujours sur elle et l’empêche de trouver la sérénité à laquelle nous aspirons tous. Malgré tout, Hazel connaît alors un nouveau départ, une seconde chance offerte à la ténacité qui ne l’a jamais trahie. Le bonheur la débusque enfin alors qu’elle s’était presque résignée.
Un roman très noir, sans temps mort, palpitant et qui porte le lecteur de la boue d’un sordide cimetière septentrional au sable fin d’une Floride aveuglée de soleil. Un très bon JCO !
BibliOrnitho
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le 11 janv. 2013

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