La Fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette par Christine Deschamps

Une introduction bien mystérieuse pour ce second volume de la trilogie Millénium dévoré cet été dans la foulée du premier : qui est donc cette jeune fille de 13 ans évoquée dans le titre malmenée et bourrelée de désirs de vengeance ? On pense à Lisbeth Salander, évidemment, mais ça pourrait être n'importe laquelle des victimes de ces hommes qui détestent les femmes... il faut attendre quelques centaines de pages pour en avoir le cœur net et s'esbaudir de l'aptitude à mener un récit de ce Stieg Larsson. Après le sans faute du premier opus, revoilà un épisode excellemment maîtrisé, avec des renvois subtils aux événements précédents et des correspondances qu'on a plaisir à repérer. Jamais l'auteur ne prend son lecteur pour une bille, et il s'amuse à entrelacer les intrigues pour notre plus grand plaisir; à peine s'il se permet un peu d'humour de temps à autre, mais le reste du temps, il fonce comme une locomotive vers un point culminant qui ne laisse guère d'alternative : il faut se lancer aussi sec dans le tome 3 ! Après s'être pas mal consacré aux mésaventures du journaliste Mikael Blomkvist dans le 1, l'auteur opère un changement d'angle résolu et se focalise sur ce personnage si délirant qu'on adore si facilement : Lisbeth Salander. Et là, il crée un type, ce qui n'est pas donné à tout le monde. On sait qu'un auteur a fait mouche quand son personnage endosse des physiques différents dans des adaptations filmiques ou qu'un éditeur engage un successeur après la mort de l'inventeur du héros en question. Je suis désolée pour Larsson qu'il n'ait pas pu assister à la canonisation de sa Lisbeth. Évidemment, elle est un peu outrée, comme fille : asociale, géniale, débrouillarde en diable, à la limite de l'agente secrète, autonome, irrésistible, pour peu qu'elle prenne le temps de réfléchir. Car c'est là son atout majeur : ce cerveau si mal en point au début du tome 3 qu'on craint pour ses facultés. Un bon point encore pour Larsson : son héroïne est un chat écorché qu'on tourne facilement en dérision quand on manque cruellement de jugeote; il faut aux gens autour d'elle, et en particulier aux hommes, une certaine aptitude à passer outre les apparences pour découvrir les trésors que cette minuscule bonne femme recèle. Et, en cela, elle est un excellent révélateur des qualités morales des ceux qui l'entourent, et je salue son créateur pour sa sagacité. Il me semble qu'il s'agit là d'une de ces excellentes idées qu'on se demande comment personne n'a pu les avoir plus tôt. Bref, un ouragan, trois meurtres et un match de boxe d'anthologie plus tard, Lisbeth Salander entre au Panthéon des figures féminines marquantes, avec Ellen Ripley, Dana Scully et la princesse Leïa.

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le 16 août 2022

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