Yûsuke Kishi ne recule devant rien dans la deuxième moitié de La leçon du mal. Et à mesure que l'horreur grandit, l'humour noir gagne en intensité, une façon assez habile de rendre supportable ce qui devient un théâtre de grand-guignol et un jeu de massacre sans limite. Évidemment, l'auteur a depuis longtemps cessé de nous rendre crédibles les péripéties de son roman mais sans pour autant abandonner un réalisme saisissant et ricanant à la fois. La facilité aurait été de raconter les actes et les pensées de ce professeur d'anglais psychopathe à la première personne. En ne le faisant pas, Kishi nous plonge pourtant à l'intérieur de ce cerveau dérangé avec une sorte de jubilation et de cynisme qui réussit parfaitement à nous mettre mal à l'aise, tout en suscitant une forme de fascination pour les lecteurs pervers que nous sommes. La question est de savoir jusqu'où le romancier ira trop loin et, sur aspect-là, il assume parfaitement son côté jusqu’au-boutiste. Mais avant l'immersion en apnée dans un musée de l'horreur, Yûsuke Kishi montre dans le premier tiers du livre toute sa maîtrise dans la création d'une atmosphère inquiétante, distillant avec parcimonie les informations sur ce professeur tellement populaire auprès de ses élèves. Au passage, le système scolaire japonais en prend pour son grade, au même titre que la police et les autres institutions du pays, jusqu'à fustiger la libéralisation des ventes d'armes, avec l'exemple américain, ironie puissante si l'on pense à la boucherie qui va avoir lieu par la suite. Il est surprenant qu'un roman aussi brillant par son machiavélisme ait mis 12 ans avant d'être traduit en français. Ce qui le serait encore davantage c'est que les éditions Belfond ne nous offrent pas prochainement des "nouveautés" anciennes d'un auteur spécialisé dans l'horreur, le policier et même la science-fiction.

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le 19 déc. 2022

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