Bouleversante immersion
L’on pénètre dans ce livre comme dans la maison vide dont il porte le nom : sur la pointe des pieds, frissonnant à chaque écho, comme si le plus léger souffle, dans l’air saturé de poussière,...
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le 2 oct. 2025
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C’est parce qu’il ne sait rien, ou presque rien, de son histoire familiale qu’il a besoin d’en écrire une sur mesure, à partir de faits vérifiés, de gens ayant existé. Un récit nourri par une catastrophe familiale dont l’auteur tente de reconstituer le puzzle pour comprendre le suicide de son père. Une mécanique précise et invisible d’enchaînements que rien n’aurait pu arrêter.
Un piano encombrant au milieu du salon, les vingt et un volumes des Rougon-Macquart, une Légion d’honneur qu’on ne retrouve pas. Des lettres soigneusement cachées. Laurent Mauvignier, à travers ces souvenirs et les personnages de Marie-Ernestine, son arrière-grand-mère, et de Marguerite, sa grand-mère, tisse un lien entre l’intime et l’historique.
La Première Guerre mondiale : « Tous à Berlin, botter le cul des Boches ! »
La victoire du Front populaire : « Quand il n’y aura plus un sou dans les caisses de l’État, on verra bien ce qu’il fera, votre Blum ! »
La France est prête à en découdre. La guerre, on la voit venir, et elle est là !
« Ce Hitler, drôle de petit bonhomme sale, à mèche et moustache… »
Puis la Libération et son ombre maudite : l’épuration.
« Les sales putes à Boches, on va leur raser le crâne ! »
Comme toutes les belles plumes, l’écriture de Mauvignier exige que l’on prenne son temps. Son style est pudique, jamais démonstratif ; il n’explique pas les sentiments, il les fait vivre. L’émotion surgit dans le détail : un geste, une image, une phrase suspendue. Cette sobriété donne une force d’impact : on est touché sans qu’il y ait besoin d’effets ou de pathos.
Un livre d’une grande richesse, qui aborde de nombreux thèmes :
la condition féminine dans le monde rural et ouvrier, la relation mère-fille, le poids des origines sociales, la mémoire et la transmission, les traumatismes et les hontes qu’on cache derrière le silence. La cicatrice d’un deuil, d’une guerre, du rejet d’une mère. C’est un roman à la fois social et intime, sur fond d’Histoire.
Il en va du prix Goncourt comme du vin : certaines années sont exceptionnelles, d’autres plus quelconques. La maison vide est sans aucun doute un très grand cru.
Créée
le 12 nov. 2025
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le 2 oct. 2025
8 j'aime
2
Une maison. Vide. Et pourtant saturée — d’absence, de cris rentrés, de gestes suspendus. Mauvignier y installe le silence comme d’autres un personnage. Rien ne bouge, mais tout s’effondre. L’espace...
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