On a du mal à démarrer ce livre tant que la peste n'est pas confirmée et ses dégâts avérés, on s'ennuie un peu mais dès la moitié du livre, le récit devient fascinant avec des réflexions métaphysiques.
Elles culminent à la mort d'un enfant, ce qui partage les visions d'un religieux et du héros le docteur Rieux et nous permet d'apprécier le talent immense de Camus qui se retient de toute poésie superflue et tient absolument à raconter les événements avec une froide objectivité. Seul Camus fait partie de ces rares qui arrivent avec de faibles moyens voulus atteindre une éloquence probante.
Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle avec le covid et la peste. Camus se lâche un peu plus tout de même et se mouille dans ses descriptions en étant ici plus riche d'adjectifs et d'interprétations que dans son chef d'œuvre l'étranger qui stupéfie par son économie encore plus aiguë de loquacité.
On ne peut cependant nier la poésie épique de cette œuvre qui fait de la peste une métaphore et une allégorie durant tout le texte. C'est une sorte d'animal, d'être, qui s'essouffle, reprend des forces, tout cela dans le but de piétiner au devant d'elle (le terme est de Camus).
Encore une fois, l'ombre de Dostoïesvki plane comme elle irrigue nombre de chefs d'œuvre et les débats sur le bien, le mal, la religion, la souffrance ou la complexité humaine que nous partage Camus nous font forcément penser aux Frères Karamazov, l'œuvre phare du monstre russe.
Adil Salouane