C'est une interrogation récurrente dans la science-fiction actuelle : qu'advient-il de la vie après la fin du monde? Si la plupart des réponses passent par une forme de transcendance (La nuit du faune, La mort immortelle, L'odyssée des étoiles), Jacek Dukaj opte pour une continuité prosaïque, dans des corps robotiques.

Le principe de base est un peu téléphoné : un rayon de la mort balaye la Terre, laissant à ceux qui ont le temps de le voir arriver la possibilité de se télécharger via un truc fait à la base pour la réalité virtuelle, et de continuer à vivre en se téléchargeant dans l'un des nombreux robots à disposition.

Jacek Dukaj ambitionne manifestement de rééditer l'exploit du Neuromancien et de ses suites : anticiper un développement probable et en tirer une histoire absconse d'un futur en passe d'advenir. Peut-être, comme le livre de Gibson, La vieillesse de l'axolotl deviendra un livre culte, plus tard. Ou peut-être pas. Car ses visions sont loin d'être aussi saisissantes dans leur altérité radicale que celles du Neuromancien.

Prenant résolument appui dans la pop culture, le livre de Dukaj fait vivre une novlangue issue du vocabulaire geek, puisque en toute logique ce sont eux, les geeks, qui ont survécu, eux qui avaient le matériel nécessaire pour se sauvegarder. Ainsi le livre s'adresse à une communauté spécifique. Voilà encore une de ses limites.

Pour autant, La vieillesse de l'axolotl ne manque pas d'intérêt : on s'y interroge, comme dans d'autres livres sur la post-humanité (Le fils de l'homme, Silverberg, plus de cinquante ans déjà, un livre qui apparaît aujourd'hui comme matriciel), ce que c'est que d'être humain. Ces robots, singeant des émotions du passé, ressentent-ils au-delà de leurs émotes qui sont aujourd'hui la seule extériorisation de leurs sentiments? En terme de contact extra-terrestre, on y reprend, sans le développer outre mesure, le concept qui formait la base de l'exceptionnel La forêt sombre, de Liu Cixin).

En revanche, le défaut principal de La vieillesse de l'axolotl est de ne pas avoir confiance en lui-même. Le récit n'est écrit que sur les pages de droite, celles de gauche, parfois illustrées avec un à-propos certain, servent surtout de support aux définitions nécessaires à la compréhension du récit. Ce procédé, qui reprend celui des notes en bas de page pour le développer de manière abusif, coupe le récit, que la présentation en un seul bloc, sans chapitrage, achève de rendre plutôt indigeste.


En définitive, si La vieillesse de l'axolotl s'avère intéressant, il s'avère également plein de faiblesses. Jacek Dukaj s'y révèle malgré tout un auteur à suivre. Comme ce n'est pas son premier roman, il reste à espérer que d'autres soient traduits en français.

BigDino
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le 8 oct. 2025

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