Las Vegas Parano , ou Fear and Loathing in Las Vegas: A Savage Journey to the Heart of the American Dream est un roman - sans doute pas si fictionnel que ça - paru en 1972 et écrit par Hunter S. Thompson. Dans la catégorie mec fascinant , le tonton Hunter est un bon client. Un excellent client même : journaliste , majoritairement pour le magazine Rolling Stone , il est réputé pour être l'inventeur d'un style de journalisme ultra subjectif - le gonzo. Amateur de drogues - je vous invite à trouver sur la net sa définition d'une journée normale ; c'en est à peine croyable - , de gastronomie et d'armes à feux , il fut l'un de ceux qui décortiqua à l'acide l'idée même de rêve américain.
Du rêve américain , il en est d'ailleurs question dans Las Vegas Parano. Le personnage principal , Raoul Duke , est journaliste de son état et doit partir , pour le compte d'un journal new-yorkais , couvrir le Mint 400 , une course de moto qu'organise annuellement l’hôtel du même nom dans le désert du Nevada. Mais il y a anguille sous roche : Duke le sent , et son avocat - qui l'accompagne - le sent aussi. Toute cette histoire ne serait elle pas une immense fumisterie , un piège dressé à leurs encontre ? C'est avec le coffre de leur Great Red Shark bourré à ras bord de psychotropes et de tranquillisants en tout genre , que les deux comparses quittent la Californie pour Las Vegas , la ville de toutes les démesures.
J'ai rarement lu dans ma jeune vie quelque chose d'aussi frénétique. Ça n'arrête pas - pas un seul instant - et le plus incroyable dans le style disjoncté de Thompson c'est qu'il arrive à créer du plein avec , parfois , un néant total. L'utilisation répétitive de retour en arrière , énoncé à la première personne , afin de par exemple combler une attente ou un instant plus plat qu'un autre n'est en aucun instant rébarbatif pour le lecteur que vous êtes. La présence , en abondance , de coupures de presses nous ancre en une période sombre , teinté par le ténébrisme de ces 70's qui virent les mentalités se rétracter sous l'influence de gens comme Nixon ou son premier ministre Spiro Agnew - contre qui Thompson semble avoir une sacrée dent.
Dans le fond , ce que raconte ce bouquin m'est tout à fait flou. J'ai la sensation en cet instant alors que je viens à peine de quitter la lecture du livre d'avoir "simplement" suivi deux drogués paumés en plein Nevada , se défonçant à l’éther , à la cocaïne , aux amphi , et à l'alcool , et je ne vois que très peu de discours politique derrière tout ça. Attention ! Le livre est une merveille de psychédélisme et d'absurde , mais si ce n'est le gros aspect paranoïaque du style Le Procès de Franz Kafka , je ne vois guère d'autre intention réel.
Les livres de drogués sont les plus fascinants , et je dois dire que j'en ai eut pour mon compte. Ce qui est incroyable avec les personnages de Duke et de son avocat polynésien c'est qu'ils ont beau être en permanence défoncés , ils ne sont jamais - contrairement à ce qu'ils imaginent régulièrement d'eux même - dangereux. Quand on a à la tête du pays le plus grand paranoïaque de l'histoire - Richard Nixon , et ses petits micros - , il n'est pas incohérent d'être soi même dans une scénarisation constante de son environnement. Et c'est sans doute cela , ce message que ce livre voudrait nous transmettre : cessez donc d'avoir peur.
J'irais bien me mater le film de Gilliam maintenant...