Non, ce n’est pas du tout le « roman de l’Occupation » claironné, mais on a l’habitude des 4e de couvertures mensongères. Concernant la vie sous l’Occupation, il n’est question que du Ritz, un hôtel luxueux plein de collabos. Bien sûr, parmi ces collabos, beaucoup n’ont pas arraché d’ongles ni violé ni poussé des gens dans des wagons ni surveillé un camp, ce sont des mondains, des snobs, ils sont du côté du manche, que ce soit une dictature militaire ou des capitalistes, ils sont prêts à tout pour préserver leurs intérêts, c’est-à-dire leur vie luxueuse. Chanel profite de l’Occupation pour spolier ses deux investisseurs juifs ; à la Libération, elle ne sera pas embêtée, même pas rasée pour ses amants allemands car elle est chic. L’auteur aurait pu, pour dresser un tableau historique de la période, faire intervenir des faits de l’actualité ; il est fait mention en passant de la misère loin du Ritz où on servait des ortolans, et d’exécutions de Résistants, mais c’est juste en passant et de manière anonyme, jamais un fait réel n’est cité. Le personnage central, même s’il cache depuis 40ans son origine juive (il est non circoncis) et qu’il préfère la vie avant l’Occupation, n’exprime que fort peu de sentiments, si ce n’est sa longue confiance dans Pétain. Lorsqu’il est sollicité pour procurer de faux papiers pour des juifs fortunés, c’est seulement pour se faire du fric, il n’en rencontre aucun, pas un seul n’est cité, on ne sait pas ce qui leur arrive. Il ne se mêle jamais de rien et se contente de faire son boulot du mieux possible, en larbin classieux et discret, un peu comme ces majordomes de l’aristocratie anglaise qui prennent à cœur les intérêts des lords. Il passe son temps à vivre sans aspérité, et du coup le récit est plat et ennuyeux. On comprend, certes, qu’il n’est pas facile d’être courageux, mais du point de vue littéraire, ce n’est pas festif.