« J'ai voulu m'exprimer lourdement. »

Ou : La vie c'est nul. Enfin non ce n'est pas la vie. C'est moi. Mais pourquoi mon existence. Ah. Je défaille. Ah non. Même pas la force. Ah.
... Que quelqu'un m'explique.


« Je la regardais longuement. Elle me regardait également sans rien dire. Elle vit que, malgré moi, les larmes me coulaient des yeux. Elle n'était pas très belle mais touchante et simple : jamais je ne l'aurais pensée si vraiment simple. Je lui dis que je l'aimais bien, que, pour moi, tout devenait irréel : je n'étais peut-être pas un ignoble — à tout prendre — mais j'étais un homme perdu. Il vaudrait mieux que je meure maintenant, comme je l'espérais [le personnage est cloué au lit par une forte grippe]. J'étais si épuisé par la fièvre, et par une si profonde horreur, que je ne pouvais rien lui expliquer ; d'ailleurs, moi-même, je ne comprenais rien...
Elle me dit alors, avec une brusquerie presque folle :
— Je ne veux pas que vous mouriez. Je vous soignerai, moi. J'aurais tellement voulu vous aider à vivre...
J'essayai de lui faire entendre raison :
— Non. Tu ne peux rien pour moi, personne ne peut plus rien...
Je le lui dis avec une telle sincérité, avec un désespoir si évident, que nous sommes restés silencieux l'un et l'autre. Elle-même n'ose plus rien dire. A ce moment, sa présence m'était désagréable. »


Presque "Harry", un « Henri », tout aussi chiant que le premier de ces messieurs (voir « le Loup des steppes »). Le mérite de ce(s) bouquin(s) (en parallèles) aura été de me faire peut-être percuter une mentalité d'entre-deux guerres, qui pourrait faire comprendre, si elle était aussi générale que ça parmi la population, le besoin de s'entretuer par millions. Ha ha.


En quatrième :
« J'ai voulu m'exprimer lourdement. »
C'est réussi. A l'exception des deux dernières pages qui relèvent le niveau. Encore raté.
Difficile d'avancer dans ces pensées d'un glauque déjà poncé depuis des siècles, mal portées par un style fade et ennuyeux. Quoique, "mal", ça se discute : s'il est question de retransmettre l'état d'esprit de l'auteur, alors c'est réussi. Même dans les moments supposés exaltants, le style se ramasse et m'empêche de ressentir. Encore une fois, ça se discute ; j'avais vraiment l'impression de lire un être qui ne ressent rien, qui a oublié comment on fait et qui, véritablement, s'en fout, tout en faisant semblant de pas s'en foutre. Dans ce cas, ça serait raccord.


Ah, alors, attends, attends, il paraît que c'est érotique :


[déjà ça se passe dans un cimetière]
« Dorothea se rapprocha de moi. Longuement, elle m'embrassa dans la bouche. ["Elle m'embrassa dans la bouche"...] Elle m'enlaça, me serrant violemment : c'était, depuis longtemps, la première fois qu'elle se déchaînait. Hâtivement, nous fîmes, hors du chemin, dans la terre labourée, les dix pas que font les amants. Nous étions toujours au-dessus des tombes. Dorothea s'ouvrit, je la dénudai jusqu'au sexe. [C'EST QUOI CETTE PHRASE DE MERDE PUTAIN]. Elle-même, elle me dénuda. Nous sommes tombés sur le sol meuble et je m'enfonçai dans son corps humide comme une charrue bien manoeuvrée s'enfonce dans la terre. [Oh j'en peux plus.] La terre, sous ce corps, était ouverte comme une tombe, son ventre nu s'ouvrit à moi comme une tombe fraîche."


Non, mais, quand bien même le type s'ennuie à crever et arrive parfaitement à décrire son ennui, bon, ok, ça arrive, je peux pas lui en vouloir, ça doit même pas être évident du tout à vivre ; mais pourquoi s'infliger la lecture de ce mornologue ? Qu'il crève à la fin, puisqu'il s'en fout.


Honnêtement ? Sans intérêt, sauf les deux dernières pages, coup de flash inattendu sur le fascisme éclatant, la déshumanisation qui l'accompagne et la soif de guerre rampante du zeitgeist des années 30.

Garëann
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le 6 oct. 2017

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