C'est à son enfance que Vanessa Springora revient. En 1980, jeune enfant orpheline de père, V. s'évade dans la littérature. Et c'est la littérature qui la tirera des livres. Au cours d'un repas "d'adultes", V. rencontre G., cet homme érudit, envoutant et charismatique. Très vite happée par sa culture et ses regards énamourées, flattée de l'attention qu'il lui porte, V. s'enfonce peu à peu dans une relation particulière.
Sans détour mais sans vulgarité, sans violence ni victimisation, Vanessa Springora raconte, tout, se dévoile, raconte ce processus de manipulation psychologique, dépeint ce personnage digne du plus grand pervers-narcissique, ce personnage pourtant réel, bien encré dans notre réalité. Avec recul et quiétude, elle questionne les dérives, les moeurs et les réflexions liées au consentement dans une situation aussi ambigue que la sienne. Avec franchise mais aucune insolence, Vanessa Springora souligne les dérives d'un secteur respecté, où chacun est plus facilement excusé de par sa notoriété.
Avec une plume légère, l'autrice nous parle, se confie, et ce petit condensé de souvenirs douloureux ne tombe jamais dans le pathos, dans la victimisation, dans l'effusion de reproches et culpabilisation. Vanessa reste humble, sincère. On en reste, à la fin, sans voix. Touché mais pas ému. Révolté mais pas au bord de la rébellion. Las, aussi, de ces histoires qui se répètent et dont on ne semble jamais rien apprendre. Mais satisfait, rassuré, de constater que certains, comme Springora, possèdent cette force si unique pour relater le tout, avec des mots si simples et pourtant si forts.
Pépite.