Jean Vautrin dynamite

C’est un de ces romans qui souffle tout autour de soi, ce petit livre de poche. Une œuvre passée à la postérité sous le coup de crayon de Tardi sous la forme de trois gros volumes d’une bande-dessinée, mais que l’on a amputé du même coup de la plume de Vautrin. Et le mot n’est pas trop fort à la lumière de la puissance d’évocation de ce roman, pensé comme un carrefour entre le micro et le macro, les destinées particulières et l’Histoire, l’anonyme et l’éternel. L’argot s’entremêle aux envolées hugoliennes avec une facilité injuste : qui es-tu Jean Vautrin ?

Dans ce Paris ressuscité pour l’occasion, la vengeance a rendez-vous avec l’Histoire. Hitza Hitz ! Paris, « bivouac des révolutions », est ici le théâtre de la quête d’un vieux bagnard pour réparer l’injustice commise dix-sept ans auparavant, et faire payer le véritable meurtrier d’une jeune femme. Tout va rapidement se mélanger, dans une joyeuse et brève fresque historique qui donne à voir ce Paris aujourd’hui disparu. Celui des ruelles lugubres de Belleville, des maisons de passes et des proxénètes du canal de l’Ourq, des prolos et des officiers aux belles tenues de chasseurs à cheval qui jouent leurs destins sur les pentes de Montmartre ! Rien ne d’autre ne sera divulgué dans cette (trop) injuste recension, par manque de moyens. L’envergure de cette œuvre de Vautrin laisse songeur quant au pouvoir de résurrection de la littérature. Et cette grande entreprise, prise dans toute sa complexité avec sa dramaturgie connue d’avance… Si cette page a d’abord pour vocation de résumer, tirer l’essentiel d’une œuvre par trois citations et quelques remarques que j’espère bien senties, je ne peux ici que m’incliner, et encourager le courageux lecteur arrivant à la fin de ce paragraphe à se répondre à l’appel de ce petit livre de poche depuis un étal de brocante ou le rayon obscur d’un bouquiniste.