Comme il est difficile d’écrire à propos de l’œuvre de ceux, de celui même que l’on tient en référence. Comme il est difficile même d’y choisir. Comme il est difficile d’y piocher, car piocher c’est en laisser forcément pour compte. Et comme il est difficile de se risquer sur ce terrain, sans quelque part trahir de quelque manière que ce soit.

Un mystère, c’est très bien pour commencer. La figure de Jeanne d’Arc, c’est le reflet même de celle de Péguy. Sans doute s’y est-il retrouvé davantage qu’il n’a jamais voulu l’avouer, et même dans cette pudeur on les y retrouve. Empruntant ce genre théâtral à la période médiévale, Charles Péguy publie ce drame en 1910. C’est un texte inquiet, tout entier traversé par le constat sans appel du règne du mal et surtout de l’impuissance de la grâce. « Il y a tant de manque. Il y a tant à demander. » Le parti du sabre contre le parti de la charrue, celui de la destruction contre celui des bâtisseurs. On ne lutte pas à armes égales, les défenseurs de la paix en ce début du vingtième siècle en feront l’amère expérience.

C’est tout autant un plaidoyer pour la paix qu’une œuvre empreinte de mystique chrétienne, alors que Péguy est retourné à la foi de son enfance seulement deux ans auparavant. La passion du Christ occupe à ce titre une place centrale dans cette œuvre. « Car tout a été pris, une fois pour toutes ; et plus rien n’est plus à prendre. » Premier jalon d’un cycle constitué ensuite par Le Porche du Mystère de la deuxième vertu et du Mystère des Saints Innocents, ce mystère donne ici à voir une Jeanne intransigeante, refusant d’accepter ce monde et sa cruauté, sa vacuité et son silence. Elle ne l’aurait pas abandonné, lui qui s’est offert sur la croix pour le salut des hommes. Elle est remplie de cette colère chaude, faite d’une intransigeance juvénile si chère à Péguy mais qui manque cruellement alors d’espérance, et qui se transforme alors en péché d’orgueil. En face, Madame Gervaise la contredit, la corrige sans jamais arriver à faire plier la jeune fille. Ce faisant, elle plante ces germes d’espérances qui fleuriront plus tard dans ce cycle. Il y a un temps pour tout.

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