Ce que désirer veut dire

Un livre qui se traverse agréablement autour de la notion de désir. Celle-ci est déclinée sous toutes ses formes et par le prisme des plus éminents philosophes. On se laisse emporter par cette écriture simple - mais pas simpliste - et parfois poétique, pour toucher du doigt les différentes facettes de la notion de désir à travers les âges. Frederic Lenoir prend soin de confronter les différentes conceptions du désir et de nous présenter ces divergences avec clarté - ce qui fait la richesse de ce livre qui n'est pas un simple catalogue. L'approche de l'auteur est d'autant plus intéressante qu'elle met en avant des thématiques contemporaines telles que l'ère du numérique et l'utilisation que nous avons de ces outils encore inédits qui nous dépassent -, la jeunesse et ses façons émergentes de concevoir le travail, le quotidien, l'écologie, l'argent. Ce n'est donc pas seulement un recueil thématique sur quelques philosophes antiques ou passés, c'est une invitation à conscientiser les problématiques de notre monde avec une boîte à outils actualisée.

Je note cependant un moins qui me semble assez dangereux : le passage sur la médication pour les souffrances psychiatriques. Les maladies, telles que la dépression - pour ne citer qu'elle - sont de vraies maladies. Alors il me semble vraiment déplacé de la part de l'auteur de philosopher là-dessus : son idée (qui est partagée par beaucoup d'autres...) est que les médicaments anxiolytiques et antidépresseurs ne laissent pas à la personne la force de se battre contre ses démons. Certes. Mais là on parle de cas cliniques, où la souffrance est réelle et peut mener au suicide. J'ai presque eu l'impression que le raisonnement philosophique allait parfois dans le sens de "si tu n'as pas la force de surmonter ta souffrance alors ça ne sera pas une grande perte si tu disparais", couplé aux concepts d'amor fati nietzschéen et de volonté de puissance, avec le clou du spectacle dans cette malheureuse démonstration "ce qui ne tue pas nous rend plus fort" ! .... - en somme, ça ne m'a semblé pas du tout nécessaire dans ce livre - même, ça m'a gonflé, car son avis n'est nuancé et assez nourri sur la question pour se prononcer, d'autant sur un sujet aussi sensible. C'est le point noir, cet espèce de jugement à l'emporte-pièce, qui tranche avec la qualité de cet essai.