Formidable livre qui nous plonge au coeur d'une décompensation psychotique. Simple impression de fièvre au départ, la précision de la plume de l'auteur nous fera sillonner entre les angoisses, les sensations cénesthésiques, les hallucinations et les perceptions délirantes... jusqu'à nous conduire au passage de l'acte suprême.
Comment passer du calme absolu à l'angoisse ? Cela vient-il de l'air, de nos pauvres organes qui sont impuissants à détecter les forces invisibles autour de nous ? Une chose est sûre, lorsque les nerfs sont ébranlés, que l'angoisse s'installe, nous entrons dans une spirale vicieuse. L'indicible s'empare de notre esprit, de nos pensées et de notre sommeil.
Le plus fascinant est la lucidité dont fait preuve Maupassant pour analyser la montée de ces (ses) symptômes. Il essaie de s'extraire de la spirale en changeant de paysages, probablement d'habitudes aussi. Et là, il va mieux. Maupassant a un esprit combatif et tente de comprendre, puis de piéger l'invisible qui le harcèle. L'invisible qui suit et possède l'âme que l'on nommera le Horla! Cet être tourmenteur, dominant la chaire et les sens, qui envoute de terreur son hôte lui écrasant toute sa raison... Il va également chercher des expériences du côté de l'hypnose, ce qui ne manque pas de l'apeurer davantage.
De nouveau, le retour. de nouveau les manifestations improbables, les interrogations sur la folie. Mais un nouveau degré de prise de conscience a été franchi. "Il" n'est plus une question. "Il" est devenu une "réalité". "Il" envahit la pensée même s'il ne se manifeste pas "physiquement".
L'intensité exhale de chacune des pensées de cet homme désoeuvré. La fièvre et la folie sont aux portes de nos esprits. Des mots comme des poings qui torturent le lecteur au même titre que son personnage.
Maupassant qui n'est autre que le narrateur lui-même, nous livre un récit brut et sans ambages, avec des mots simples et percutants, il saisit la nature même de l'angoisse de son "personnage" pour nous la transmettre avec brio. Maupassant dresse sans aucun doute, le reflet de sa propre folie naissante.
Le format "journal intime" est plus malaisant que l'histoire en elle-même, j'avais comme l'impression de faire du voyeurisme avec les écrits d'un schizophrène sombrant dans la dépression et la folie.
«Certes, la solitude est dangereuse pour les intelligences qui travaillent. Il nous faut autour de nous, des hommes qui pensent et qui parlent. Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes.»
Une nouvelle à lire au moins une fois dans sa vie en se mettant dans une position "analyse du processus".