Paru en 2004 en France, Le dernier amour du président est le roman le plus "sérieux" d'Andreï Kourkov. Prémonitoire, d'ailleurs, de la révolution orange qui eut lieu en Ukraine à la fin de cette même année. Désarçonnés par le ton du livre, il fut boudé par les lecteurs fidèles de l'auteur, à juste titre, tellement il était ennuyeux et sans attraits. Depuis, avec Laitier de nuit, Kourkov est revenu dans une filière qui lui convient mieux, celle de l'ironie narquoise quant à l'évolution des sociétés post-communistes, au travers de fables bourrées d'imagination et de notations drolatiques et désenchantées. Il persiste et signe aujourd'hui avec Le jardinier d'Otchakov, qui utilise le vieux truc de la machine à remonter le temps, soit en l'occurrence un uniforme de milicien des années 50, pour confronter deux époques de l'histoire ukrainienne. Son héros, Igor, est un chômeur longue durée, plutôt heureux de son sort, d'une intelligence moyenne, et dont la consommation d'alcool est relativement raisonnable, puisqu'il n'est saoul qu'un soir sur trois, environ. Ses allers et retours dans la petite ville d'Otchakov, en l'an 1957, vont lui permettre de découvrir un univers en noir et blanc qui l'obligeront à s'interroger sur la vacuité de son existence. Avec ce livre, Kourkov pose un regard attendri sur l'ère communiste, tout du moins sur la mentalité des gens à cette période, une nostalgie rétro, assez courante de nos jours en ex-URSS, qui n'est pas pour autant une apologie du régime soviétique. Ce n'est pas la dialectique et la politique qui intéressent Kourkov. Lui, il aime avant tout les petites gens, avec leurs modestes aspirations et leurs humbles ambitions, ainsi que leurs ajustements et compromis pour composer au mieux avec le pouvoir en place, quel qu'il soit. Le jardinier d'Otchakov n'a beau être qu'un divertissement, il est d'une précision redoutable sur l'état des lieux sociologique de l'Ukraine de 2010 et porteur d'une philosophie épicurienne et hédoniste qui s'épanouit dans un environnement qui, sous la plume d'autres écrivains, paraîtrait lugubre et sans espoir. A sa façon, Andreï Kourkov est une sorte d'Arto Paasilinna de Kiev, passé maître dans l'art d'écrire de "petits" livres qui font un bien fou, en déridant les zygomatiques tout en oubliant d'être stupides. Contrairement à la vodka, c'est à lire sans modération.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Créée

le 9 févr. 2017

Critique lue 220 fois

1 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 220 fois

1

D'autres avis sur Le Jardinier d'Otchakov

Le Jardinier d'Otchakov
LouKnox
5

Critique de Le Jardinier d'Otchakov par Lou Knox

L'auteur du Pingouin (Editions Liana Levi) continue ses délires, avec cette touche de film qu'on regarde volontiers sur Arte, faute de mieux. Parce que c'est exactement ce qui s'est passé ici, "faute...

le 3 juin 2020

Le Jardinier d'Otchakov
krymelle
6

Plat comme une pelouse bien tondue

Je suis assez déçue par ce livre. J'avais beaucoup aimé "Le Pingouin" et "L'ami du défunt", 2 livres décalés et où l'intrigue était présente. Dans Le jardinier ça ne décolle jamais, c'est plat. C'est...

le 23 janv. 2014

Le Jardinier d'Otchakov
louisa
4

Critique de Le Jardinier d'Otchakov par louisa

Je n'ai pas réussi à dépasser la moitié du roman.... Je n'ai pas accroché à l'histoire, où il ne se passe pas grand-chose, mais surtout la construction (un chapitre dans le présent, un chapitre dans...

le 6 avr. 2012

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

75 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13