Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

Ce livre prenant racine dans un fait divers, il me faut ajouter un peu de contexte. Nicolas Sarkozy est accusé et condamné pour avoir avalisé une rencontre entre Claude Guéant, Brice Hortefeux et un terroriste libyen en vu de recevoir un financement pour sa campagne présidentiel de 2007. La contre partie étant, entre autre, une amnistie pour le terroriste en question. Ces faits constituent, selon les dires du dossiers du tribunal un "délit contre la nation, l'Etat et la paix publique" (p375 du dossier). Des faits donc d'une gravité que nul ne peux ignorer, surtout venant d'un candidat à l'élection présidentiel, ministre au moment des faits, donc déjà en position de considérablement avantager le régime libyen. Il faut également précisé que le condamné avait déjà été sanctionné d'une peine de prison avec sursis dans le cadre de l'affaire Bygmalion, sans mentionner les autres affaires en cours.


La discipline du livre politique est régulièrement sujet à déception, elle consiste trop souvent à lancer des fleurs le plus perpendiculairement au sol possible. Un tel format pourrais pourtant servir à argumenter de façon construite un projet politique dans un monde où le débat est toujours très limité dans le temps, "Supposons que nous disposions d’un temps infini pour débattre au sein d’une immense agora" rêve Piketty dans Capital et idéologie, un livre politique devrait permettre d'atteindre cet idéal de débat. A la place, Sarkozy excelle de perpendicularité : "mon caractère qui me pousse à toujours préférer assumer et faire face" (p25), "J’ai réussi à être élu président de la République moins par mon talent que par mon audace." (p72), "Mon énergie est inépuisable" (p127), "j’ai appris à être modeste" (p127).

Il faut fouiller un peu pour trouver des arguments, voici donc le fruit de mes fouilles, voici une liste très exhaustive des arguments retrouvés dans les 216 pages :

- Ce n'est pas choquant que le garde des sceaux lui rend visite car la gauche a rendu visite à un assassin communiste (p53), déjà c'est le fameux sophisme du foulard rouge et, de plus, ce n'est pas du tout équivalent, ce que la gauche reproche à cette visite c'est la trahison du ministre de la justice qui est censé soutenir son corps de métiers et ne pas valider un complotiste de bas étage

- La détention provisoire n'est pas justifié puisque Sarkozy ne risque pas ni de récidiver, ni de fuir, ni de détruire des documents (p68). Ca je trouve que cela peut s'entendre, cependant, si on continue sur cette pente, la peine de prison suite à l'appel n'est également pas justifiée, pourquoi Sarkozy irait jamais en prison, il suffit de le rendre inéligible et voilà, plus de risque de récidive. Il faut accepter le caractère strictement punitif de la peine.

- Le financement de la campagne avait déjà fait l'objet d'une enquête judiciaire dans le cadre de l'affaire Bettencourt et rien n'avait été trouvé (p69). Ici c'est complétement fallacieux, Sarkozy n'est pas condamné pour avoir reçu un financement libyen mais pour avoir autorisé des négociations avec un terroriste avéré en vu de financement de campagne en échange, entre autre, d'une amnistie pour le terroriste.

- Sarkozy dit ne pas avoir été informé de la rencontre entre Abdallah Senoussi (le dit terroriste) et ses deux collaborateurs et que rien ne prouve que le sujet de cette discussion ne soit la financement de la campagne de 2007 (p99), le dossier du tribunal précise qu'il a "laissé ses plus proches collaborateurs et soutiens politiques sur lesquels il avait autorité et qui agissaient en son nom" (p362 du dossier du tribunal) faire ces réunions. Sa défense est donc la même que le responsable opérationnel de la centrale de Tchernobyl la nuit de la catastrophe : "j'étais au toilette"

- Le document de Médiapart est un faux, ça il le répète inlassablement, notamment à la page 168 où il annonce, tout content de lui : "Maintenant que le faux est établi" et c'est du pur fake, jamais un tribunal n'a établi qu'il s'agit d'un faux, Sarkozy a bien porté plainte pour faux et usage de faux, plainte qui a aboutie à un non lieu.

Précisons ici qu'aucun cherry picking n'a été utilisé, c'est vraiment les seuls arguments trouvés, le reste, c'est soit un récit déstructuré, sans style, sans poésie avec un vocabulaire pauvre et un texte pragmatique, soit un longue plainte et victimisation d'enfant gâté. Si on cherche à produire une liste de ses inlassables tracas et lamentations, là par contre l'exhaustivité est exclue, pour cela il faudrait lire le livre.

Ainsi il se plaint, entre autre, que son lit n'est pas fait quand il arrive, de la dureté de son matelas, de la surface de la cellule (qu'il ne partage pourtant avec personne, d'ailleurs 12m² c'est plus que beaucoup d'appart étudiant à Paris), de la température de la salle de sport, de la qualité de la nourriture, qu'il refuse de manger car rendez vous compte, la nourriture est servie dans des barquettes en plastiques et la baguette est molle, de l'absence de café dans les parloirs, des douches à minuteurs (Sarkozy n'a donc jamais mis les pieds dans une piscine publique), de la hauteur du miroir dans sa chambre PMR, que le tribunal est trop long, qu'il a mal dormi, mal au dos, bref c'est insupportable, cet homme est un enfant et il est temps qu'il redescende sur terre. Quand il ne se plaint pas il se victimise et alimente un récit complotiste, il utilise d'ailleurs littéralement le mot complot : "je pensais au complot invraisemblable ourdi pour fabriquer cette sinistre affaire" (p15) tout en adaptant tout le long son narratif, les procureurs ont un regards méprisant et les juges sont décrits comme des machines.

Sa recherche d'attention culmine au moment où il se compare à Dreyfus à la page 55, précisons tout de même que l'analogie est ridicule est indécente, déjà parce qu'il est coupable, et même sans cela, il n'y a aucune dimension de haine raciale dans l'affaire, contrairement au petit Sarko, l'affaire Dreyfus avait modifié les rapports sociaux vis-à-vis du judaïsme. Il base de plus sa comparaison sur l'utilisation des documents de Médiapart, or, comme dit plus haut, ceux-ci ne sont pas nécessairement faux et il est connu que ceux utilisés contre Dreyfus l'étaient.


Le texte n'est ni maladroit ni brillant, c'est juste médiocre. Mon humble opinion est que Sarkozy a développé un petit culte de sa personne, les éloges qu'il se fait dans son propre livre et le fait qu'il n'a jamais "fumé une cigarette, jamais bu une goutte d'alcool" (p104) sont des éléments allant dans ce sens. A vrai dire, c'est humain après avoir atteint une position aussi élevée. Le problème, c'est que la chute est douloureuse et le déni trop facile, il s'abaisse donc à des bassesses complotistes, il s'accroche et perpendicularise, dans l'espoir que la sphère nativiste pourra le maintenir. Ce n'est pas pour rien qu'il se vante de recevoir la visite de représentants du gouvernement argentin et états-uniens ainsi que de lettres de Chenu, qu'il multiplie les références à sa famille soudée et à son retour à la religion chrétienne. Maintenant qu'il est à terre, les mains dans la boue, il y a trouvé de la merde, c'est l'occasion de continuer le virage opportuniste initié par son fils.

Laegion
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