Lorsque j'ai aperçu pour la première fois la couverture du bouquin de Frédéric Lenoir, j'ai été triplement interloqué. D'abord parce que je me trouvais au relais H de la gare Montparnasse et que c'est bien le dernier endroit où je m'attendais à trouver un bouquin consacré à Spinoza, en tête de gondole qui plus est ! Spinoza entre Zemmour, Nothomb et Musso, cela relève en soi du miracle ! J'ai été également intrigué par « l'obscure clarté » du titre car, s’il y a bien une chose que j'ai retenu de la lecture de l’Éthique de Spinoza c’est que sa pensée matérialiste rejette toute forme de vérité révélée, de superstition et, a fortiori, de miracles. Miracle + Spinoza = Oxymore. J’ai enfin été décontenancé par le bandeau rutilant, qui annonçait pompeusement que Spinoza avait été promu par les éditions Fayard « gourou spirituel » : de sa basse caste de philosophe hétérodoxe, il accédait sous la plume de Frédéric Lenoir au statut beaucoup plus enviable de coach en développement personnel. Par quel prodige ? De quel miracle éditorial procédait le miracle Spinoza ? Le succès phénoménal et le nombre de personnes autour de moi s’étant procuré le livre m’ont convaincu de me plonger dans le livre pour y chercher la réponse. En vain, car, comme le laissait présager le marketing lourdingue et complaisamment relayé par les médias, la tentative, ô combien louable, de vulgariser l’éthique de la joie spinozienne s’efface très vite derrière la tentation malhonnête d’en faire un régime Dukan du bonheur, un énième coupe-file pour accéder à l’épanouissement personnel. Avec à la clé et pour les mêmes raisons, les mêmes désillusions que les régimes alimentaires. On se demande ce que les lecteurs venus en masse chercher une porte dérobée vers le bonheur retiendront de cette introduction à Spinoza. La béatitude à laquelle aspire Spinoza, qui consiste à faire corps avec le monde par un effort incessamment renouvelé pour comprendre la nature des choses, est insoluble dans la notion de bonheur promue par l’idéologie du développement personnel, un feu-de-paille perpétuellement redémarré par des allume-feux de synthèse dont cet ouvrage vient inutilement rallonger la liste. Ne pas attendre de miracle ; les lecteurs retiendront-ils au moins ce pilier de l’éthique spinozienne ?

WillClayman
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le 13 août 2019

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