Andre Ledevron est un écrivain de science fiction française de longue date, bien que pas des plus mis en avant dans les rayons de librairie. En partisan assumé d’une fin du monde qui résoudrait les problèmes de la terre, il propose là une histoire apocalyptique surprenante.


Une épidémie foudroyante a décimé la quasi-totalité de la population mondiale en quelques jours. Une idée jusque là pas très originale mais dont le développement diffère de celui auquel nous sommes habitués. La fulgurance de l’épidémie et son importance drastique ont eu pour effet d’éviter tout pillage, vols, agressions et autres luttes pour la survie d’une humanité retourné à la barbarie. Les villes se sont retrouvés pratiquement désertes et contenant bien assez de nourritures pour les rares survivants. Mais surtout l’épidémie a rendu les femmes stériles, une conséquence pire encore que l’Extinction : l’humanité était tout simplement condamné à moyen terme. Quand les survivants finiront par mourir, il n’y aura plus personne alors pour prendre la relève. Pourquoi se battre alors ? Pourquoi s’acharner à survivre à tout prix ? Pas de civilisation à reconstruire, d’empire à rebâtir. A l’approche de leur fin et de la fin de tout, les rares communautés humaines ou voyageurs solitaires se contentent donc de se laisser vivre paisiblement dans un monde où l’humain est devenu une espèce qui a fait son temps.
Partout en effet la nature reprend ses droits, les végétaux partent à l’assaut du béton, les animaux autrefois chassés se refont une santé et recolonisent les territoires qui leur avaient été pris, des animaux qui n’ont jamais vu d’hommes les regardent avec curiosité ou indifférence, comme s’ils avaient conscience de leur disparition prochaine. Plus surprenant encore, des animaux échappés des zoos ont établis leur niche dans des territoires ou ils n’étaient pas présents auparavant, c’est ainsi que des hippopotames, éléphants, girafes, lions et autres espèces africaines déambulent en plein Paris et autres villes françaises ! Leur présence marquée dans plusieurs villes me paraît quand même très surprenante… L’empire de l’homme n’est plus, son règne s’est achevé en quelques jours. Un ciel qui retrouve toutes ses étoiles la nuit tombé, une nature qui foisonne de vie, un climat qui se stabilise, la pollution disparue, la fin du monde apparaîtrait presque enviable !


En bon conteur, Andrevon épouse le point de vue des différents personnages, aussi divers qu’une petite fille qui découvre le monde ou un militaires attiré par tout ce qui symbolise la puissance, et permet d’apprécier toute son habilité à l’écriture, tant le vocabulaire riche foisonne, des descriptions nombreuses mais sans être lassantes grâce à sa belle plume. Que ce soit pour décrire des espèces animales, les architectures des villes ou même des technologies militaires, l’auteur ne manque jamais de mots. Enfin, il mélange subtilement et d’une manière souvent drôle mots vulgaires et vocabulaire plus soutenu, ajoutant à l’ensemble un peu d’humour toujours appréciable. Humour parfois cruel à sa façon qu’il a de provoquer la mort de ses personnages, souvent trop tôt à leur goût, et de raconter en détail comment ils retournent à la nature…


Pourtant, si la première partie voir les ¾ sont dans cette veine, la fin part dans une direction assez étrange, comme si l’auteur avait voulu partir dans ses propres délires personnelles, au risque de perdre le lecteur. Alors que l’on s’habitue aux personnages, plutôt que de les revoir l’auteur en fait intervenir d’autres. Et si l’auteur se permettait quelques petites fantaisies comme ces survivants qui parviennent à parler aux animaux, il verse ensuite carrément dans la science fiction et même le mysticisme.
C’est ainsi que l’on suit un militaire haut gradé, dernier survivant d’un projet militaire top secret qui visait à congeler les futurs reconstructeurs de la race humaine, et d’autres rescapés d’une expédition spatiale, elle aussi top secrète, visant à coloniser une planète lointaine. Le premier vogue d’abord dans un programme virtuel qui construit absolument tout ce qu’ils imaginent, des combats épiques de dinosaures massifs contre des tanks militaire de divers catégories, à des filles sublimes et très entreprenantes… Clairement le personnage dont les parties sont les plus faibles, ceux que j’ai trouvé les moins intéressantes et qui s’intégraient très mal au reste du récit. La dernière partie est la plus incompréhensible, où il rencontre une jeune femme venue d’on ne sait ou, qui semble être capable de créer des images, d’en savoir plus qu’elle ne le dit sur l’épidémie qui a frappé l’humanité, sans rien dire de cette étrange étoile bleue qui s’évanoui après avoir brillé au-dessus de la Terre. Un certain mystère donc, mais qui ne trouve aucune réponse. Pourquoi avoir ajouté ces éléments alors ?


Si la diversité des histoires, permettant à leur auteur de mélanger les styles et de dévoiler son talent est une qualité de l’œuvre, le mélange qu’il produit avec la science fiction pure et une histoire certes imaginaire quoique plus réelle, n’est pas vraiment du meilleur effet. Une originalité qui sur la fin dérange plus qu’elle ne séduit. Le livre n’en demeure pas moins une curiosité, et a le mérite de faire découvrir une vision de l’apocalypse d’un genre nouveau.

Enlak
7
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le 12 sept. 2015

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