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En refermant cet ouvrage (qui se lit vite) on ne peut pas s'empêcher d'éprouver un sentiment pour le moins mitigé. Comme si deux livres cohabitaient dans Le Négationnisme économique :



  • un ouvrage de vulgarisation sur certains thèmes et études réalisés par des économistes (impôts, 35 heures, relance "keynésienne", pôles de compétitivité...). Il est agréable à lire, et les études sont présentées de manière claire et qui peuvent intéresser le lecteur ;

  • un ouvrage de règlements de comptes où sont dégommés des collectifs (les économistes atterrés, Alternatives Economiques...) ou des personnes nommément cités (G. Giraud, D. Méda...).


Les passages qui relèvent du second sont dispensables et viennent parasiter ceux qui relèvent du premier tout en donnant l'impression d'être rattachés, parfois à la va-vite, au propos et de n'avoir qu'une très faible valeur ajoutée.


En fait, c'est comme si P. Cahuc et A. Zylberberg reprenaient des distinctions contestables par ailleurs et aux fondements loin d'être certains (orthodoxes/hétérodoxes...) pour défendre la vraie/bonne économie, qui devrait être la seule à avoir droit de cité dans les débats publics, pour éclairer vraiment le citoyen (et les décideurs) et non lui polluer la tête avec des idées nocives. Au risque de faire passer les économistes pour des arrogants sûrs de leur fait... et j'omets les autres critiques habituelles adressées à cette profession.


Je passe aussi sur l'usage du terme "négationnisme économique" qui a fait couler beaucoup d'encre, les auteurs y ont répondu ici - ainsi qu'à d'autres points. Tout n'est pas à jeter dans ce qu'ils disent (faire intervenir un même intervenant sur n'importe quel sujet n'est pas forcément une bonne solution, c'est vrai qu'en regardant C dans l'air on ne peut qu'être d'accord...). En fait ce qui est vraiment dérangeant peut se ramener à un petit nombre d'éléments :



  • les attaques personnelles déjà évoquées ;

  • la conception de l'économie comme science expérimentale et le fait de mêler expériences naturelles et essais contrôlés randomisés alors que les deux ne relèvent pas de la même logique (voir la leçon inaugurale au Collège de France d'Esther Duflo sur le sujet pour une présentation simple) ;

  • la confiance en une méthode et ses résultats quand bien même les auteurs avouent que cela ne peut servir pour prédire l'avenir + le fait qu'en matière de dépenses publiques Cahuc et Zylberberg déclarent qu'il n'y avait pas eu de travaux sérieux sur le sujet avant la Grande Récession de 2008-2009 ! (alors que l'effet des dépenses publiques sur l'activité n'est pas une petite question en macroéconomie) ;

  • le consensus comme "meilleure approximation de la 'vérité' " n'est pas sans poser question - Robert Boyer en parle d'ailleurs dans EPC. Parce que le consensus n'est pas toujours évident à remettre en question il peut parfois jouer un rôle de filtre préjudiciable, en plus d'orienter les travaux dans telle direction ;

  • une contradiction entre le fait de valoriser les publications scientifiques (revue par les pairs...), de dire que le chercheur doit se cantonner à sa sphère d'expertise (on ne va pas interroger un spécialiste du commerce international sur le prélèvement de l'impôt à la source) et le fait de produire un ouvrage qui déborde de leur champ de compétences (l'économie du travail) - voir la critique de André Orléan sur ce point.

  • "La meilleure façon d’accéder à l’état de la connaissance est de s’adresser aux chercheurs spécialistes du sujet, en vérifiant au préalable qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt ou d’appartenance à des courants politiques qui pourraient nuire à leur objectivité." (Cahuc et Zylberberg) Même sans conflits d'intérêts ou appartenance politique, un chercheur a des valeurs auxquelles ils croient. Si vérifier son appartenance, etc. est un pré-requis, cela n'assure nullement sa neutralité. L'objectivité n'est pas de ce monde...


Ce livre marche donc sur deux jambes complètement différentes et, pour le coup, je ne suis pas convaincu par la rationalité de cette démarche.

Anvil
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Créée

le 19 sept. 2016

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Anvil

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