Ah, Valérie Valère ! Douce enfant qui n'a pas su trouver un point d'encrage à sa vie, ou qui l'a manqué. Certainement. Elle n'avait pas du se rendre compte lorsqu'elle se donnait la mort - après vint-et-une années d'un douloureux passage sur terre - que ses romans étaient une revanche.

Ce roman là est son premier, le plus connu et donc celui que l'on a déformé avant de voir naître vraiment et s'étendre largement le talent de Valérie. L'enfant à la sombre tignasse y raconte son internement au pavillon des enfants fous d'un hôpital parisien. Si on l'y enferme c'est pour une maladie populaire aujourd'hui mais rare à l'époque - en 1974 ! - , si rare qu'on l'assimile à la folie : l'anorexie.

En quatrième de couverture, je vomis sur les mots qui décrivent ce roman comme "l'histoire d'une guérison" affublés de l'horrible expression "avant tout". Je crois qu'il aurait été difficile de tomber plus à côté de la réalité lorsque l'on sait qu'elle mourut des suites de son anorexie à l'âge de 21 ans.

Valérie Valère, véritable contre-exemple du "bel-âge", emploi de façon récurrente dans son oeuvre l'expression "envie/besoin". Elle ne pouvait pas mieux résumer elle-même sa maladie. La jeune fille, née dans un milieu contraire à sa nature, n'a pas trouvé l'appui dans sa courte existence qui lui aurait permis d'avoir confiance en ses convictions et c'est la torture qu'elle se donne en échange. Ce manque - d'appui, de soutien, de bras ou d'un amour sensé - l'empêche de distinguer l'envie du besoin. A treize ans, elle ne sait plus si elle a envie ou besoin de manger : elle finit par s'en empêcher car le geste de se nourrir devient insensé dès lors qu'elle ne sait plus ce qui motive celui-ci (l'envie ? le besoin ? les deux ?).

Ce qui a manqué à Valérie, c'est un peu des faveurs du destin. Une simple rencontre aurait pu changer la vie et l'œuvre de la jeune femme et elle aurait vieilli à travers la plume d'un homme partageant ses convictions et lui donnant son amour au lieu de mourir après avoir écrit l'amour (Malika, ou un jour comme les autres) et souffert du sexe (Vera).

Alors non, Le Pavillon des Enfants Fous n'est pas l'histoire d'une guérison mais celle d'un talent oublié du destin qui a fleuri avant de se laisser mourir. Et oui, on sent malgré tout l'envie de mourir dans les mots qui composent cette oeuvre saisissante même dans l'épilogue qui veut berner le lecteur. On y lit, certes, le soulagement mais c'est celui d'avoir déversé sa haine contre le monde hospitalier qui l'a hébergée à tort et non contre le destin qu'elle n'a pu combattre qu'en lui rendant l'âme.
jessyka
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le 6 janv. 2011

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