Guéorgui Gospodinov prévient d'emblée : "tous les personnages réels de ce roman sont fictifs. seuls les fictifs sont réels." Cet avertissement, avant le début de Le pays du passé, est bien à l'image de son auteur, malicieux et déstabilisant. Le personnage principal du livre, le dénommé Gaustine, est insaisissable, passant d'une temporalité à une autre, avec facilité, mais Gospodinov le souligne : c'est lui, le romancier qui l'a créé, à moins que ce ne soit le contraire. Autant s'y faire, Le pays du passé n'a rien d'une narration classique, les digressions y sont nombreuses, les clins d’œil au lecteur également et l'auteur égrène volontiers certains de ses souvenirs personnels avec volupté. D'imagination, Gospodinov n'en manque pas, nous entraînant tout d'abord dans des cliniques très particulières où des malades d'Alzheimer retrouvent leur époque favorite dans une chambre au décor ad hoc. Comme si cela ne suffisait pas, le romancier conçoit ensuite, dans une dystopie étourdissante, une Europe où tous les pays abandonnent leur présent pour l'époque du XXe siècle où leurs citoyens ont été les plus heureux. Impossible de détailler la manipulation mais elle conduit inévitablement au chaos, dès lors que la nostalgie est encore ce qu'elle était (ou pas). Le livre est vraiment passionnant par endroits mais l'écrivain bulgare n'a manifestement aucun goût pour les intrigues linéaires et constelle son récit d'aphorismes, de citations et d'histoires parallèles. Un livre où règne le désordre, comme une mémoire où les souvenirs ne sont pas très bien rangés.

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le 14 oct. 2021

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