C'est l'histoire d'un tableau qui révèle à son modèle sa beauté physique, puis toute la noirceur de son âme.
Une âme pure à l'origine, à l'apparence tout aussi belle, mais au cœur trop faible qui, sous l'influence d'une mauvaise rencontre, va perdre son innocence.
Commençant par prendre conscience de sa beauté physique et du pouvoir que cela lui confère, Dorian sera très vite aveuglé par son narcissisme, n'envisageant alors plus l'autre que pour le reflet que cela lui renvoie de lui-même. Et si celui-ci se révèle décevant (inévitablement), il le détruit, sans état d'âme. S'enfonçant, de déchéance en déchéance, vice après vice, dans les profondeurs de la nuit. Jusqu'à être irrémédiablement perdu, sans valeurs, sans morale, sans aucune possibilité pour lui de revenir à la surface. Sa conscience comme une ancre, le ramenant immanquablement à l'abîme qu'est devenu son cœur.
Alors c'est vrai qu'on peut s'agacer de l'écriture de Wilde, de ses aphorismes et cette façon de trancher le réel, à l'image du cynisme de son antiheros.
Avec vos épigrammes, vous mettez la vie en pièces.
Mais ce qui rend la lecture fascinante, ce qui crée "l'intoxication onirique" selon ses mots, c'est que le livre nous tend à nous aussi un reflet abject, qui se détériore avec le temps.
L'effet miroir est total.
Nous aussi sommes renvoyés à notre propre noirceur : nous réjouissant du malheur de cette âme perdue, maudissant le destin lorsqu'il l'épargne, et nous moquant de ses intentions de changements, toujours uniquement motivées par la vanité : le masque de la vertu emprunté par moments dans une simple quête de plaisirs nouveaux.
On attend la chute. On l'espère.
Satisfaits que l'étau se resserre autour du monstre, la vie répondant au vice par la laideur (anéantissant ses vaines tentatives de compenser la perversion de son âme par la beauté matérielle) et la honte suivant chacun de ses pas. Cette part en nous qui, animale, brutale, prend plaisir à punir le mal par le mal.
Or la véritable beauté exige de ne pas s'abaisser à de si vils instincts. C'est d'ailleurs la leçon du livre : considérer la beauté uniquement selon une approche superficielle, en faire un objet d'idôlatrie, c'est manquer son but et la profaner.
La beauté est un sentiment, une intuition, qui ne se capture pas sur la surface immobile d'un portrait : elle se vit, se doit d'être ressentie au plus profond de l'âme.
Et si tel n'est pas le cas, méfiance, "ce n'est qu'un masque sans cœur".
Beauty is a form of Genius--is higher, indeed, than Genius, as it needs no explanation. It is one of the great facts of the world, like sunlight, or springtime, or the reflection in the dark waters of that silver shell we call the moon. It cannot be questioned. It has divine right of sovereignty. It makes princes of those who have it.