Bon d'habitude je regarde plutôt des films par masochisme et j'évite les bouquins (plus longs, plus chers et surtout un film passe tout seul, un livre il faut absolument le lire, juste regarder les mots n'aidera pas à le finir). Mais bon, parfois je me laisser tenter. Là c'est parce qu'il y a eu un article sur Médiapart où ils citaient deux longs extraits du bouquin pour en faire la promotion... (bien sûr aucun appareil critique n'accompagnait les extraits, évidemment)


Ce qui a fini de me motiver à lire ce truc c'est l'omniprésence de Brey à la radio, sur internet pour faire la promotion de son bouquin et surtout je trouve qu'en face il n'y a personne de compétent pour la remettre à sa place. Le seul qui y était parvenu c'était Bégaudeau lors de la sortie de Mektoub my love, il y a quelques années (elle se venge d'ailleurs dans le bouquin).


Mon premier souci avec le livre c'est que c'est dégueulasse, c'est en écriture inclusive, on se tape des « le.a spectateur.ices » et la page d'après « les spectateurs et les spectatrices »... Aucune constance, d'habitude on a soit les points au milieux des mots, soit les bégaiements... là on a les deux...


Et l'absence de constance est ce qui caractérise ce déchet... (torchon serait un mot encore trop gentil). Pourquoi je dis ça ? parce que tout simplement elle passe son temps à se contre-dire. Une fois le Female Gaze (qui est le sujet du bouquin et qui peut se traduire par le regard féminin) se fonde entièrement sur la mise en scène... alors que juste avant elle cite 6 points pour qu'un film soit du female gaze... dont trois points qui concernent la narration... dont des trucs purement idéologiques comme le fait que l'héroïne doit remettre en cause le patriarcat...


Il faut savoir... mise en scène ou pas mise en scène ?


(je passe bien entendu sur le coup de l'érotisme qui doit est conscientisé et pas inconscient, va savoir ce que ça veut dire cette connerie)


Et puis franchement un coup la distanciation chez Akerman dans Jeanne Dielman c'est bien, mais dans Persona de Bergman, c'est pas bien... Il faut savoir. En fait le souci c'est qu'on est clairement dans de la surinterprétation et ceci de manière systématique.


En fait Iris Brey est obligée de justifier dans son bouquin ce qui est du Female Gaze et ce qui du Male Gaze... Sauf que si comme moi on a vu bon nombre des films dont elle parle, on sait qu'elle est dans la surinterprétation, on sait qu'elle est de mauvaise foi... ou qu'elle veut absolument voir midi à sa porte et donc qu'elle est totalement biaisée. Vraiment on a l'impression que l'appellation Merguez ou Female Gaze tombe parfois comme un couperet mais de manière totalement arbitraire. Elle a voulu voir un truc, donc ça y est... Par exemple elle s'amuse à justifier que Sybil de Triet est un Female Gaze... sauf qu'avant elle nous a emmerdé pendant des pages et pages avec le côté voyeur des films du Male Gaze, où la femme est réifiée blablabla... Sauf que Sybil raconte quand même l'histoire d'une psy qui va, par voyeurisme, s'immiscer dans la vie d'une jeune femme...
Pareil dans Elle de Verhoeven, tout à coup le voyeurisme n'est pas du Male Gaze car ça joue avec les codes blablabla... Mais c'est trop facile.


Pire encore, elle nous explique que le porno même féministe reste trop proche du Male Gaze car on filme la fente pénétrée et pas la vulve... bon déjà j'aimerais bien savoir la différence entre « la fente » et la vulve... mais surtout si elle ne voit pas de vulves même non pénétrées dans le porno il y a un problème.


En fait elle est obligée de trouver des différences forcées et absurdes pour marquer la séparation entre ce qu'elle adoube et ce qu'elle n'adoube pas. Juste avant elle disait du bien de scènes de masturbations dans un film en gros plan... (film que je n'ai pas vu malheureusement) mais quelle différence avec un plan de film porno... On voit le clitoris parait-il... parait-il même qu'il est gonflé... comment dire ? Vraiment ? elle n'a jamais vu de porno ou comment ça se passe ?


Mais ce qui est intéressant c'est qu'elle nous dit qu'elle veut que ça ne soit pas réducteur, inclusif et non manichéen...
Mais qu'elle est bête... Elle termine quand même son essai par un laïus sur les merguez mortifères alors que le FG c'est la vie, c'est vivant... blablabla...


Difficile d'écrire un truc plus con et plus manichéen.


Et dès qu'on n'y prend pas garde, elle pète un câble partant dans tous les sens, se permettant toutes les extrapolations possibles... Avec 100 ans de FG il y aurait peut-être moins de viol... Ah bon ? C'est vrai qu'avant l'invention du cinéma le viol n'existait pas... ça semble logique.


En fait son truc c'est juste un discours idiot, sans relecture, sans vérification... où les portes sont ouvertes à toutes les fenêtres.
Elle nous dit à propos de je, tu, il, elle d'Akerman que l'orgasme déborde car le plan se termine avant que la fille n'atteigne l'orgasme dans la scène de sexe... Clairement j'ai l'impression de lire les élucubrations d'un L1 en art du spectacle.


Mais ce qui est bien avec elle, c'est que si on n'est pas d'accord, c'est juste qu'on ne comprend pas...


Et en fait j'ai surtout envie de dire que le concept en lui-même est merdique.
Elle dit que si une femme est réifiée c'est de la merguez, ok, pourquoi pas. Si un homme est réifié comme Brad Pitt torse nu dans le dernier Tarantino, ben c'est aussi de la merguez... Le sexe importe peu. S'il y a réification, c'est de la merguez... et ceci que ça soit fait par un homme ou par une femme...


Donc pourquoi appeler ça un regard masculin ? si une femme peut avoir le même regard ?


Pire, le regard féminin, se pose obligatoirement sur une femme, en faisant vivre son expérience de femme au spectateur. Que ceci soit réalisé par un homme ou par une femme...


Les appellations n'ont plus aucun sens... puisque le regard féminin n'est pas nécessairement celui d'une femme et inversement. En fait il y a juste la volonté d'associer le masculin à quelque chose de négatif (mortifère) et le féminin à du positif (vivant). Mais en faisant ça, contrairement à ce qu'elle prétend on n'interroge pas l'esthétique du cinéma, on fait au mieux de la morale, garçon = mal et fille = bien...


Bref, triste est son échec d'échapper au manichéisme.


Bon en plus on a des erreurs factuelles, Jeanne Dielman est présenté comme le premier film qui filme le quotidien... Sauf que c'est faux... des films comme Los Olvidados ou bien les premiers films de Pialat étaient déjà sortis. Alors oui, Jeanne Dielman est un excellent film, il est allé bien plus loin dans la représentation de la routine que d'autres, en étant plus long, plus radical, mais il n'a pas inventé la représentation du quotidien.


Donc lorsqu'elle dit que Alice Guy a inventé le gros plan à des fins dramatiques... je suis dubitatif... ça sort d'où ? je n'ai pas trouvé de sources confirmant ou infirmant ses dires, mais vu qu'elle ment, qu'elle est biaisée ou que sais-je encore... je suis désolé... je n'ai pas envie de la croire... et quand bien même ça serait vrai, qu'est-ce-que ça change ?


ça change que Brey est persuadé que le FG révolutionne le cinéma... rien que ça... que le portrait de la jeune fille en feu est une révolution... pourquoi ? parce que le désir peut éclore sans rapport de domination, sans humiliation, sans rapports de pouvoir... bon déjà paye ta révolution... mais surtout, on ne va pas me faire croire que ça n'existait pas avant... (Monsters de Gareth Edwards me vient immédiatement en tête avec entre autres Moonrise Kingdom de Wes Anderson)


Surtout que bon on parle quand même d'une relation entre une noble et une femme du peuple, Sciamma occulte totalement la question de la classe sociale (centrale dans la vie d'Adèle de Kechiche qu'elle déteste et pour lequel elle ne se privera pas des pires adjectifs pour qualifier son cinéma), comme si tout à coup loin de la bêtise masculine (sic) (oui oui elle a vraiment dit ça), les classes sociales n'existaient plus, il n'y avait plus de rapport de classe... Ce qui est bien évidemment faux. Je n'en veux pas forcément au film de ne pas l'avoir abordé, j'en veux à Iris Brey de le cacher son silence, de faire comme si cette idylle égalitaire avait un sens et n'était pas un délire de bourgeoises qui croient en la sororité.


Bref ce livre est bête, il en va même jusqu'à retirer le droit aux cahiers du cinéma de dire qu'une réalisatrice ne pense pas sa mise en scène car ça serait misogyne... le comble... mais une chose est sûre, c'est qu'elle n'y a pas pensé très longtemps à son concept... je ne comprends d'ailleurs pas comment ça se fait que personne n'ait osé lui dire qu'elle se contredisait...


Bref le désespoir... du fric et du temps perdu... Mais bon, je peux être rassuré... lorsque je regarderai des filles nues, je dirai : « je ne regarde pas votre fente pénétrée, beurk ça serait de la merguez, non, Madame, je regarde votre vulve et votre clitoris gonflé ! c'est ce que l'on appelle du Female Gaze ! »

Moizi
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le 27 févr. 2020

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Moizi

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