Thilliez ne force jamais le mystère. Il le laisse se déposer, couche après couche...

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On entre dans Le Roman maudit comme on entrerait dans une pièce où quelqu’un vient de sortir. L’air est encore tiède, mais le silence pèse. Le carnet trouvé par Naël traîne là, posé au seuil, avec cette odeur de papier qui a pris la nuit. Rien d’extraordinaire en surface — et pourtant, quelque chose s’est déplacé. Le roman démarre dans cette zone trouble où les objets semblent respirer un peu trop fort. Thilliez ne force jamais le mystère. Il le laisse se déposer, couche après couche, comme une poussière fine sur le réel. La répétition de la journée n’a rien d’un tour spectaculaire : c’est un glissement, un froissement, une variation que l’on perçoit surtout dans les interstices. Un mot manquant. Un son plus aigu. Un geste que Naël refait trop vite, comme si son corps savait avant lui. Ce décalage, minuscule mais constant, crée une tension presque domestique, une inquiétude qui naît du banal. Naël n’est pas un héros. Il avance avec cette fatigue propre aux adolescents qui n’ont pas les mots pour nommer ce qu’ils sentent. Il observe, il encaisse, il recommence. On le voit marcher dans sa propre vie comme dans un couloir trop long : un peu de lumière, un peu d’ombre, jamais de certitude. Thilliez capte ce balancement avec une douceur sèche, sans pathos, sans emphase. Léo, lui, n’existe que par fragments — une écriture heurtée, une absence trop précise pour être neutre. Ce sont ces morceaux de voix qui guident le livre, plus que l’intrigue elle-même. Il y a de très beaux moments, discrets, presque invisibles : Naël qui s’arrête devant une fenêtre, la lumière froide découpant son profil ; une phrase du carnet qui semble respirer ; un souffle qui hésite avant de devenir peur. Le roman tient dans ces instants — pas dans les rebondissements, mais dans les failles. On a l’impression que Thilliez écoute son histoire plutôt qu’il ne la dirige. C’est ce qui lui donne ce grain singulier, cette sensation de marcher sur quelque chose de fragile. Parfois, pourtant, la mécanique du jour qui recommence prend un peu trop de place. On sent la structure derrière le texte, et l’émotion recule d’un pas. Mais dès qu’un silence revient, dès qu’un détail griffe l’image, le roman retrouve sa vibration. Il n’a pas besoin d’éclats pour inquiéter. Il suffit d’un carnet humide, d’un prénom qui revient trop souvent, d’un adolescent qui ne sait plus à quelle version de lui-même il doit se fier. La fin se veut plus nette, peut-être trop — mais elle ne dissout pas l’essentiel : cette impression d’avoir touché une peur sans visage, une peur que l’on reconnaît sans vouloir l’avouer. Le Roman maudit ne cherche pas le grand frisson ; il cherche la trace, la marque, ce qui s’attarde quand tout devrait être terminé. On le referme comme on referme une porte qu’on ne veut plus rouvrir, avec une ombre derrière soi. Ma note : 14 / 20


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Le-General
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il y a 5 jours

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