Je ne connaissais Russell Banks qu'à travers les adaptations de ses romans par Paul Schrader, et j'étais curieux de découvrir. Il nous plonge ici dans une communauté de croyants en Floride, les shakers. Nous les découvrons à travers le témoignage d'un homme âgé qui a vécu avec eux une partie de sa vie. Cette communauté disparaîtra, en même temps elle demande l'abstinence sexuelle totale de ses membres, ça paraît difficile de créer quelque chose de pérenne dans ces circonstances, et elle laissera la place à l'exacte inverse de ses valeurs, à savoir le parc de Disneyland. Encore que, dans les deux cas, il s'agira d'un royaume enchanté. Et dans les deux cas, pourrait-on dire, d'une adhésion totale à un système de valeur.
La nouvelle-Béthanie est déjà comme un parc, dont la tenue tranche avec la ville voisine. Les dirigeants de la communauté ne dédaignent d'ailleurs pas de faire visiter l'endroit.
Mais ce royaume enchanté, on s'en doute, aura son ver dans le fruit. Sans surprise, il s'agit d'une histoire d'amour.
La psychologie des personnage est bien développée, et l'ensemble est bien écrit, et à le mérite de parler d'un aspect pas forcément des plus connus, l'une des nombreuses sectes illuminées que les Etats-unis ont connu, et connaissent encore. Nous y suivons le travail de l'ainé John qui cherche à faire fructifier sa communauté par tous les moyens, mais se heurtera à des oppositions, tant humaines que catastrophes naturelles.
Ayant vu Affliction et Oh Canada de Paul Schrader, je m'attendais tout à fait à un roman du désenchantement, et effectivement, c'est la fin d'un monde et l'échec de nobles idéaux que nous conte ici Russell Banks.