Il y a, juste avant la fin, un chapitre que je ne peux pas vous raconter, par principe, mais qui est pourtant un microcosme parfait de ce livre, immense (c'est sa seule qualité absolument indéniable), intense ou vide selon les avis, dans son entièreté.


Dans cette oeuvre qui se cherche entre un Dostoïevski pervers (mais cultivé), un peu l'immense (véritablement cette fois !) Vie et Destin de Grossman, écrite en français par un étrange américain rêvant de contribuer "au rayonnement de la France" (Et hop, nationalité, cadeau ! Ce fromage vaut bien un passeport comme disait l'autre corbeau.), il y a de tout, du lard et du cochon, de la sociologie et du caca, un enchevêtrement de sigles oubliés, de name-droppé avec plus ou moins de justesse ou d'ironie, et encore du caca. Parce que notre héros, voyez-vous, a beau être un de ces beaux aryens plein d'avenir, il a gros problème avec tout ce qui sort de son cul (et aussi ce qui y rentre, mais je n'ai pas du tout envie d'm'éparpillé ; entre nous, c'est dommage toutes ces merdes, avec une bon astringent et quelques coups de massicot, je pense qu'on aurait pu avoir un livre certes plus petit, mais pas forcément moins intéressant. Passons, et revenons à notre chapitre fantôme.)


A demi-mots, je vais essayer de vous raconter un peu, sans trop m'étaler (à force j'ai l'impression de voir des métaphores sales partout !) sur le reste du livre qui vaut plus pour sa justesse historique que pour son style un peu lourd. C'est un petit chapitre, même pas cent pages, quatre-ving peut-être. Ça commence par une petite pirouette littéraire, comme le livre lui-même, quelques mots au lecteur, pour le mettre dans le bain, "t'as vu, j'suis là !" et s'ensuit une description détaillée de la maison (oui, ça se passe dans une maison), mais détaillée comme c'est à peine permis, tout y passe, les rideaux, la vaisselle, le bois des chambranles, les gravures sur la table basse, les tapis et les vins ("Vois-tu, j'étais très content de boire un Margaux 1905, mais je regrettais avidement d'avoir pris un Saint Emilion de 1907 alors que la meilleure année c'est 1909.", oui, c'est comme ça tout le temps, des fois tu demandes si tu t'es pas perdu dans un catalogue mais passons encore), une fois la maison bien détaillée, apparaissent (sic.) deux personnages, ce qui nous offre une discussion tout à fait savoureuse, j'irai même jusqu'à passionnante, parce que vraiment, là, on touche au cœur du livre, une version light mais efficace de la rencontre avec le staroste Zosime ou quelque chose de cette envergure, malheureusement, ça dure quoi, deux pages ? et c'est reparti, allons dans le jardin, description des buissons, des baies, du ciel (je le soupçonne d'écrire toujours la même description et de n'en changer que les couleurs, mais je deviens mesquin, et puis je n'ai pas vérifié !), des arbres qui entourent la maison, des arbres de la colline, d'autres arbres encore. Vraiment, les naturalistes seraient intrigués d'une telle passion, ça aurait presque pu leur plaire, sauf que ça fait quoi, trente pages, et pendant les cinquante pages suivantes, mon Dieu, branlette contre les murs, branlette contre les tables et les chaises, des hallucinations (un peu, régulièrement d'ailleurs) et re-branlette, dans le lit et sur la nappe, et une bouteille de vin (probablement un bon millésime, mais je n'y connais rien moi, j'ai pas lu l'grand almanach des vins 1922 !), un peu de caca (tu croyais quoi ?), de la branlette, du caca, ça commence à ressembler à un viol, de mes yeux, et sérieusement, cinquante pages de caca et de banlette c'est dur à lire, et là-dessus, petite pirouette, fin du chapitre !


Woaw !


Imagine ça, quarante fois plus gros, quatre fois de suite (du Front Est à Paris en passant forcément par Berlin sous les bombes !) et hop : t'as les bienveillantes !


(Là, tu demandes pourquoi j'ai aimé autant, si j'aime pas l'caca, mais j'sais pas trop, j'suis resté scotché mais loin, c'est dommage, parce qu'il y a parfois, au fond de cette fosse sceptique que sont la guerre et le nazisme (oui, j'crois que c'est pour ça, toute cette merde qui suinte) des choses assez merveilleuses !)

JZD
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le 3 avr. 2017

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J. Z. D.

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