Pièce littéraire assez hors du commun, ce monologue plonge la lectrice dans l’esprit d’un personnage atypique, un véritable anti-héros de roman. Par sa narration, qui peut sembler déstructurée et rappelle le courant du flux de conscience tant elle semble se construire au gré des pensées du personnage du sous-sol, le texte fait sourire en nous mettant face aux nombreux défauts du narrateur, dont on ne connaîtra d’ailleurs jamais le nom. Caractériser le personnage par ses pensées (y compris les inavouées car inavouables) et par son langage s’affiche ainsi comme le projet littéraire, explicité en fin d’ouvrage, et joue sur la recherche de dimension autobiographique opérée par le lecteur, provoquée par la note positionnée en préambule qui affirme la fictionnalité du texte. Les carnets nous livrent leur propre processus de rédaction, et cet aspect métalittéraire évident a un côté plaisant, notamment lorsque notre personnage-auteur projette la réaction du public auquel il s’adresse dans sa conversation fictionnelle. Ce roman est avant tout le récit d’une vie empêchée (et aussi de l’oeuvre, dont la rédaction s’arrête abruptement) par les défauts humains au centre desquels se place la jalousie, or c’est là une véritable invention que de donner à lire la mise en scène par un personnage de ses obsessions de façon aussi explicite. Pour autant, le texte pourtant court peut sembler à un moment assez redondant, même si l’on comprend l’intérêt d’un tel dispositif, voué à restituer l’état d’esprit obsessionnel du personnage. L’explicitation des différences genrées, dans le passage avec Lola, a le mérite de souligner le sexisme ambiant dans la société décrite, et, se soldant par un énième comportement égoïste et paranoïaque du narrateur, d’inclure notre protagoniste dans le problème. Livrant ses considérations politiques et philosophiques notamment dans la première partie mais aussi dans le reste du récit, notre rédacteur esquisse un grand nombre de sujets interrogeant l’inanité de l’existence et la possibilité de la volonté propre, ne pouvant s’empêcher de passer, malgré lui semble-t-il, du coq à l’âne.


Ainsi, loin d’une narration classique, ce roman attise la curiosité pour le reste de l'œuvre de son auteur, dans laquelle, on peut l’espérer, il n’arrête pas sa rédaction comme son personnage et développe les thèmes ici esquissés.


le_pou_jaloux
7
Écrit par

Créée

le 5 févr. 2025

Critique lue 6 fois

1 j'aime

le_pou_jaloux

Écrit par

Critique lue 6 fois

1

D'autres avis sur Les Carnets du sous-sol

Les Carnets du sous-sol
Nody
8

Un grand texte sur la psychologie humaine

C'est un récit un peu brouillon, retors, qui mêle parfois un peu trop de concepts ou d'idées, et qui devient par moments agaçants ; mais c'est également, du moins dans ses soixante premières pages,...

Par

le 3 janv. 2011

41 j'aime

Les Carnets du sous-sol
Amrit
8

Les débuts de l'apothéose

Ca commence comme un assez long monologue. Un homme seul, rejeté de l'espèce humaine, et qui veut nous dire pourquoi. Ou plutôt... qui veut SE dire pourquoi. Il ne compte pas publier. Il écrit pour...

le 20 sept. 2012

23 j'aime

6

Les Carnets du sous-sol
Kavarma
9

Un malaise dans la civilisation ?

Je vais essayer d’analyser le livre, plus riche qu’il n’y paraîtrait de prime abord. Dostoïevski sort du bagne en 1854, Les Carnets du sous-sol paraissent en 1864. Dix ans durant lesquels cette...

le 3 avr. 2021

20 j'aime

14

Du même critique

Le Rouge et le Noir
le_pou_jaloux
6

Critique de Le Rouge et le Noir par le_pou_jaloux

Premier long roman de son auteur, Le Rouge et le Noir lie agréablement une intrigue typique des romans de son siècle à des enjeux politiques extrêmement contemporains de sa parution.

le 1 juin 2025

1 j'aime

Crime et Châtiment
le_pou_jaloux
8

Critique de Crime et Châtiment par le_pou_jaloux

Dans ce long roman, Fiodor Dostoïevski développe une intrigue centrée sur le personnage de Raskolnikov, qui dès les premières pages planifie et commet un crime : il tue une veille femme prêteuse sur...

le 6 juin 2025

1 j'aime

Les Carnets du sous-sol
le_pou_jaloux
7

Critique de Les Carnets du sous-sol par le_pou_jaloux

Pièce littéraire assez hors du commun, ce monologue plonge la lectrice dans l’esprit d’un personnage atypique, un véritable anti-héros de roman. Par sa narration, qui peut sembler déstructurée et...

le 5 févr. 2025

1 j'aime