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Le narrateur Ruben Blum est historien et enseigne à l’université de Corbin, petite ville américaine. Il est le premier et l’unique professeur juif de l’établissement. Alors, lorsqu’y postule un certain Ben-Zion Nétanyahou, spécialiste de l’Inquisition ibérique et juif lui aussi, c’est lui, Ruben, qui, en cette fin de l’année 1959, se retrouve chargé de l’accueillir et d’évaluer sa candidature.


Une longue et déconcertante introduction, dont à ce stade on a du mal à apprécier la froide ironie sous-jacente, tant le narrateur se prend au sérieux de ses multiples et doctes digressions, commence par planter le décor compassé de ces dignes et éminents cerveaux que les contraintes économiques et la relative confidentialité de leur université empêchent, à leur grand dam, de se consacrer exclusivement à leurs domaines d’expertise, à vrai dire si pointus qu’ils semblent presque les seuls à en apprécier le caractère essentiel. Au sein du délicat échafaudage de prééminences et de dignités que constitue le cercle de ces si distingués professeurs, Ruben Blum est de fait celui qui a le plus à faire pour convaincre de sa respectabilité, avec une préoccupation majeure : se fondre dans la masse des non-Juifs. Cet objectif lui est d’autant moins facile à atteindre que, côté familial – et là, c’est franchement drôle -, il lui faut constamment composer avec ces incontrôlables électrons que représentent ses parents et ses beaux-parents, ancrés, chacun à leur manière, dans leurs idées et dans leurs traditions, mais aussi avec son adolescente de fille, obsédée notamment par la forme – trop juive ? - de son nez.


Tout à ses préoccupations quant à la bonne manière de se sortir de cette embarrassante nouvelle mission qui ne le renvoie que trop à sa « spécificité » personnelle, le narrateur est pourtant loin d’imaginer la tornade qui s’apprête à lui tomber dessus. Car, non seulement Ben-Zion Nétanyahou est un personnage irascible et indomptable, que ses idées radicalement sionistes placent aux antipodes des aspirations à l’intégration de Ruben, mais il débarque en famille, avec sa femme et ses trois redoutables jeunes garçons, en ce qui ne va pas tarder à ressembler à une guignolesque invasion de sauterelles. Le moins que l’on puisse dire est que les Nétanyahou ne vont pas passer inaperçus, et encore moins paraître à leur avantage, dans cette petite ville paisible et ce milieu universitaire, il faut le dire, un peu confit dans la naphtaline.


Cette comédie de mœurs centrée sur un intellectuel juif américain en proie à des affres tragi-comiques fait bien sûr penser à Woody Allen. Malheureusement alourdie par quelques longueurs indigestes, elle tire sa vraie originalité du fait réel dont elle s’inspire, et sa plus grande ironie du destin de l’un des trois garnements : Bibi, ou encore Benyamin Nétanyahou…


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Cannetille
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le 30 nov. 2022

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