Dieu est marché, Dieu est patron, Dieu est audimat, Dieu est carrière.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance jetait les bases d’un journalisme indépendant, revendiquant « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ».

Les chiens de garde du Paf, même s’ils sont peu nombreux par rapport à l’ensemble de la profession, veillent à dorer la légende de leur indépendance – c’est peut-être leur plus belle omerta professionnelle. Mais, même s’ils sont peu nombreux, ils se disputent les émissions politiques et économiques sur les écrans, la presse et les radios.

Pour ces vedettes, les contraintes sont nombreuses : l’audimat, le scoop, le temps, la célébrité, le patron de la chaîne ou du journal (un industriel milliardaire qui a fait du journalisme son arme de propagande) dont il faut vanter les mérites… Rappelons les portraits dithyrambiques de Jean-Luc Lagardère, rusé et ambitieux en public, simple et aimant en privé. Bref, un doux renard des affaires dont il faut suivre l’exemple.

Leur omniprésence médiatique, alors qu’ils chantent à l’unisson la gloire de la finance, étouffe les voix dissidentes à la dictature du marché, lesquelles d’ailleurs ne sont pas bankables.

Leur indépendance est dissoute par les pressions de toutes parts, mais les journalistes savent gérer leur carrière. Il s’agit de se faire copain avec les politiciens qui accordent de larges faveurs, et avec les collègues qui accordent des postes et des salaires prestigieux. On s’invite aux émissions les uns les autres, on congratule le copain qui a écrit un énième livre consensuel, parce qu’il fait bon pour un journaliste de se faire passer pour un intellectuel indépendant.

Chacun mène sa carrière professionnelle individuellement et fait valoir ses atouts auprès des gens de pouvoir. Il n’y a pas de théorie du complot : ces journalistes ne font probablement pas masse consciemment dans la connivence, ils agissent dans leur propre intérêt, à savoir leur carrière et leur célébrité, qu’ils tentent de déguiser en notoriété. Si ce sont des bêtes de chenil, ce sont aussi des bouledogues de la gestion de carrière.

Pourquoi ces journalistes, experts, spécialistes, sont-ils disposés à accompagner les choix de la classe dirigeante, à nourrir la « machine à propagande de la pensée de marché » ? Probablement parce que journalistes et politiciens sont pour la plupart issus du même milieu : ils font les mêmes études, ils évoluent dans le même environnement social traditionnellement à droite, lequel encourage les accointances et les intérêts. Chacun trouve son compte dans l’ordre actuel du monde ; c’est la classe dominante qui a intérêt à ce que sa vision du monde soit assimilée par le reste de la population pour légitimer leur position...

L'intégralité de la critique sur mon blog :
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le 7 nov. 2012

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