« Les Racines du Mal » débute sur les chapeaux de roue en nous plongeant directement dans les délires hallucinés du tueur en série Andreas Schaltzmann. Dans cette psyché explosée, aliens et Nazis se sont ligués afin de transformer la population en esclaves tandis que la pourriture et la mort ont entrepris un terrible combat contre Andreas qui se voit contraint de tuer et de boire du sang pour survivre. En fait, c'est encore plus dingue que ça, mais vous avez compris le truc, je crois... Difficile de faire un résumé de la première partie du bouquin tant l'expérience se révèle intense et surprenante. Cependant, on quitte bien vite ce chantre du vampirisme et des feux de joie improvisés pour un second héros qui, en fait, sera le véritable personnage principal jusqu'à la conclusion. Il s'agit grosso modo d'un expert en neurosciences engagé afin de tenter de dévoiler les secrets de Schaltzmann et qui découvrira rapidement qu'une bande de tueurs encore bien pires qu'Andreas sévit en France... voire en Europe !

La première partie fait l'effet d'un bad trip à l'acide. C'est glauque, dépressif, violent, et même parfois presque drôle. Bref, c'est assez hypnotique, tant l'introspection psychologique est réussie. Ensuite, on passe à tout autre chose. Les parties 2, 3 et 4, nous plongent soudain dans l'esprit du scientifique Darquandier (Dark pour les intimes) se servant d'une intelligence artificielle de son invention pour mener son enquête sur la bande de psychopathes décrite plus haut. Et puis les années passent. Et le thriller devient SF en l'espace de... 5 ans.

Je vais éviter de vous dévoiler de quelle manière la transformation s'opère mais je dois avouer que la transition est un tantinet maladroite. Pour Dantec, qui écrit son histoire au milieu des années 90, il est normal de considérer que 1999 puisse être cyberpunk. Des avancées technologiques énormes, improbables en si peu de temps et qui viennent s'insérer dans un monde qui, globalement, reste pourtant inchangé. Quand j'ai lu ça, j'ai trouvé le résultat aussi anachronique que de voir des policiers modernes se trimballer avec armures et épées ou un X-wing garé sur le trottoir en face de chez moi. Cependant, une fois effectué la suspension consentie de notre crédulité, je dois avouer que l'histoire réserve encore pas mal de surprises intéressantes. En fait, les moments les plus passionnants sont ceux dans lesquels Dantec part dans ses délires plutôt bien maitrisés (du moins à l'époque) à base de Kabbale, de théorie du chaos, de rédemption virtuelle et de puissances païennes à l'oeuvre dans l'Histoire. Une sorte de cyberpunk mystique pas du tout dégueulasse et franchement bien documenté.

« Les Racines du Mal » reprend pas mal de thèmes au premier roman de l'auteur (« La Sirène Rouge ») dont il peut presque être vu comme un doublon basé sur la réflexion là où La Sirène se penchait presque entièrement sur l'action. Une version bien plus aboutie de cette histoire, en somme, plus profonde, plus subtile et surtout bien plus diversifiée ! Hélas, deux défauts persistent chez Dantec : l'abandon rapide de l'introspection psychologique au profit du pur exposé d'idées et, surtout, une méchante habitude de tirer sur la ligne ! Encore plus épais que son premier roman, « Les Racines du Mal » permet à Dantec de livrer environ 750 pages dont une centaine auraient pu facilement être oubliées. A force de se noyer dans les détails, l'immersion pourtant souvent réussie finit par laisser place à certains passages de pur ennui où j'ai dû lutter pour continuer. A quoi bon livrer la biographie complète des dizaines de victimes qui émaillent le livre ? On sent que Dantec a envie de tout dire, jusqu'au nombre de fois où telle femme allait faire caca chaque jour ou la liste des problèmes gastriques de tel autre type...

Si l'enquête tourne parfois un peu en rond, de nombreux éclairs de génie traversent le roman, un foisonnement d'idées maitrisées, bien qu'un peu délitées dans un océan d'informations secondaires, quelques délires jouissifs et une excellente fin, loin des stéréotypes qu'on pourrait attendre. Pas de doute, j'ai maintenant envie de lire Babylone Babies...
Amrit
7
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le 20 déc. 2012

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