L'isolement, pour ne pas succomber à la haine. C'est le choix déclaré de J.J. Rousseau, sa justification quant à son choix de vivre à l'écart des hommes. Pour lui il n'est pas question de misanthropie ni de quelconque démarche asociale mais bien de vivre retiré afin que la haine des autres envers lui ne l'amène au mépris de ces individus.
On touche là à l'élément qui pourra rendre la lecture détestable à ceux qui avaient déjà trouvé cela dans Les Confessions : la théorie du complot. Rabâchée sans cesse, sorte de paranoïa qui obsède sans arrêt l'auteur de l’Émile, cette possible vue de l'esprit finira par lasser les plus patients.


Pourtant au-delà de cet agaçant motif, il y a bien une œuvre littéraire intéressante, parfois philosophiques, parfois poétique. Rousseau y livre ses pensées à travers différentes promenades dans lesquelles il réfléchit de manière construite et stimulante, s'appuyant sur des souvenirs quasi anecdotiques et sur sa nouvelle passion la botanique.
Après s'être expliqué sur les causes de sa nouvelle condition et sur ce qui l'a amené à écrire, l'auteur nous apprend aussi qu'il écrit ce livre pour lui-même, ayant dans son esprit terminé sa carrière littéraire qu'il semble regretter d'avoir entamé. Encore une fois on est pas obligé de le croire mais l'important n'est pas là.


Car l'on a la chance de découvrir de belles réflexions philosophiques sur le mensonge, son utilité, sa nature même, sur le bonheur, son inspiration, sa brièveté, sur l'oisiveté et la liberté.
Rousseau démontre l'importance du cadre naturel sur sa propension à rêver même si la condition n'est pas sine qua non, et ces rêveries lui permettent, couplée à son inactivité (au sens professionnel) et à son goût de la botanique, de concevoir une liberté dans la solitude, un échappatoire au dénigrement et au regard biaisé des autres.
Cet isolement le pousse à l'introspection et ce cher Jean Jacques se veut alors disciple du fameux "Connais-toi toi même", chose loin d'être aisée mais essentielle au bien-être de l'humain.


Au final on peut trouver dommage que Rousseau insiste trop souvent sur les causes de sa solitude (les conspirateurs) car les conséquences sont, elles, bien productives et par moment délectables. On arrive à ressentir le poids de l'isolement, ces bienfaits, mais aussi les regrets qu'il entraîne ; on profite de remarques, des réflexions de Rousseau qui peut se montrer brillant philosophe par intermittence, et l'on peut aussi ressentir de l'empathie pour cet être bien seul.
Chaque lecteur aura donc surement sa vision de cette œuvre, selon l'importance accordée à la personnalité de l'auteur, selon l'intérêt qu'il portera aux travaux intellectuels de Rousseau et selon son état d'esprit (les solitaires apprécieront bien des points de ce recueil de pensées). Quoiqu'il en soit l'écriture reste la plupart du temps remarquable et le style appréciable.


Et puis un titre pareil est déjà une invitation à la lecture et à la pensée. Aux rêveries...

ngc111
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le 3 juin 2014

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