Voilà un petit livre qui m'a fait du bien. Un philosophe qui retranscrit les pensées qui le saisissent durant ses promenades dans la nature... Je suis certain que ça n'excite plus grand monde aujourd'hui. Moi, c'est ce qu'il me fallait. Vous allez me dire qu'il vaut mieux faire ses propres promenades méditatives plutôt que de lire celles des autres. Hé bien il se trouve que je suis un grand marcheur devant l'Eternel et que j'ai la chance d'habiter près d'une abondante nature que je ne me suis pas privé d'explorer dans tous les sens. Quel intérêt alors de lire ce qu'on fait déjà soi-même ? L'intérêt, c'est de comparer et d'enrichir sa propre expérience bien sûr !

Je me suis très vite senti en osmose avec Rousseau, que je ne connaissais absolument pas auparavant. Ho pas sur tout, bien sûr, mais sur l'essentiel. Une simplicité et une sincérité qui me parlent. Je ne comprends pas les critiques d'aujourd'hui qui prétendent que le bonhomme est orgueilleux. Certes, Rousseau a une bonne opinion de lui-même et ne la cache pas dans des tournures hypocrites. Etre conscient de sa valeur n'est pas un défaut que je sache, surtout si on ne s'épargne pas la conscience de ses défauts. Là encore, Rousseau est objectif avec lui-même, sans verser non plus dans l'auto-flagellation.

C'est qu'il a des principes solides, de très hautes valeurs que j'admire personnellement beaucoup. Il cherche à atteindre une certaine perfection morale et se donne les moyens de le faire en vivant de façon particulièrement décalée par rapport aux philosophes de son temps. A quarante ans, il tourna définitivement le dos à la richesse et aux honneurs et se forgea un code moral définitif qu'il tenta de ne jamais trahir. Il est pourtant conscient de l'avoir fait, à quelques reprises, et livre alors dans ces pages de vieillesse quelques paragraphes d'une humble et émouvante remise en question.

S'il y a bien un seul défaut dont il n'a guère conscience, malgré tout, c'est sa paranoïa. Mis à l'écart de la société pour avoir été intransigeant avec lui-même en refusant les mensonges auxquels la plupart se soumettent, il en vient à croire en un complot universel. Rousseau se sent martyr et se met à pleurnicher régulièrement. Voilà vraiment ce qu'il y a de plus insupportable chez lui.
Passé cela, suivre cet homme est un enchantement. Premier philosophe de son temps à réhabiliter la valeur méditative de la rêverie et de la paresse, Jean-Jacques plane sur son monde comme une ombre de lumière. Il met en évidence les travers de son époque, touche à l'universel et raconte combien il est indispensable de revenir à la source, la Nature. L'homme suit alors les rythmes et les murmures d'une puissance panthéiste, arrête l'horloge cosmique sur une courte éternité dans laquelle plus rien d'humain ne compte.

Les ruisseaux, les arbres, la vérité, la douleur, le mépris, les plantes et la terre sous nos pieds. Voilà la dernière oeuvre d'un grand homme. Inutile et donc d'autant plus indispensable pour tous ceux qui abandonnent petit à petit les illusions d'une vie passée en pilotage automatique...
Amrit
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le 22 févr. 2015

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