Les souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale de Cavanna, raconté dans l'ordre pas chronologique. Remis dans l'ordre, ça donne ça :


Les PTT qui, pendant l'Exode, leur disent d'aller par leurs propres moyens à Bordeaux. Les copains qui le lâchent après sa 4e crevaison. Une aventure d'un soir avec une fille de famille. Les pillages sur les routes. La rencontre de deux motocyclistes allemands à Chinon. La lâche résignation : ils ont gagné, faut être beau joueur. Un temps à faire du charroi pour le marché de Nogent (où il évite de justesse un accident dramatique, l'effondrement des halles). La réquisition pour le STO. L'envoi en Allemagne, dans des wagons à bestiaux. La désillusion en voyant les KG, les prisonniers de guerre, qui prennent les gamins réquisitionnés de haut. La tentative des ouvrières russes, dont la poitrine est barré d'un "OST", de faire la grève, et la répression terrible qui s'ensuit, sous l'oeil détourné de braves ouvriers de la Mayenne qui viennent ici pour de l'argent et essaient de tenir les exigences allemandes en terme d'obus fabriqués.


La rencontre avec Maria, une Russe aussi folle que lui, dont il apprend la langue ; la vie quotidienne avec un groupe de potes qui lui font son éducation politique. Un regard humain sur les matons allemands. Une dame qui lui donne des tickets de pain, par pitié devant son air misérable. Le putsch raté, où l'on croit Hitler mort pendant une journée. Puis la réquisition pour déblayer les ruines laissées par les bombardements américains, la lutte pour ne pas mourir de faim, et au final le déplacement à Stettin pour creuser des fosses antitanks. Les bombardements au canon qui annoncent l'arrivée de l'armée russe, avec les pauvres gars du Volksturm qu'on envoie au casse-pipe. Le moment où Cavanna et Maria arrivent à s'esquiveer, tombent sur une ferme où un Français a refait sa vie, puis fuient après le passage d'un avion soviétique, se réfugient chez un Junker prussien qui les gâtent pour faire croire qu'il est l'ami des Russes. Cavanna est témoin de viols de guerre à la chaîne, de l'exécution du Junker. Puis Cavanna commet l'erreur de laisser Maria là pour revenir en arrière. Quand il revient, elle a été kidnappée par ses compatriotes pour aller dans un camp de réfugié. S'ensuivent plusieurs jours de recherche à arpenter la région à pied. Puis Cavanna décide de faire comme tout le monde : aller vers la ligne américaine. Il est rapatrié en France dans un état second, après avoir perdu l'amour de sa vie. Il fait des démarches, qui restent infructueuses.


Comme dans "Les ritals", Cavanna, c'est fait pour être lu à haute voix à des potes. Son phrasé est reconnaissable entre tous, ses petits trains d'adjectifs qui fatiguent un pauvre substantif à la peine, ses interjections au lecteur ("oui je fais du floklore à deux sous là, tu crois que je m'en rends pas compte ?"). Mais ce n'est pas la forme, c'est le contenu qui est intéressant.


Et si je reste un peu dubitatif sur le dénouement de certaines anecdotes, ou sur la fidélité du duel oratoire entre Cavanna et le chef des STO mayennais collabos, j'adore sa manière de rajouter des petites notations véristes qui font que oui, pas de doute, il était là et ça s'est passé comme ça, dans un style que tout le monde peut comprendre et qui parle à l'imagination, sans que sa s'englue dans le genre "mémoires de guerre".


Car ce n'est pas la guerre qui intéresse Cavanna, et il n'essaie pas d'expliquer comment une telle folie a pu exister. Plus que les idées, les systèmes politiques, ce sont les êtres humains, allemands, tchèques, italiens, russes qu'il a croisé qui l'intéresse. Cavanna est un humanisme au sens plein du terme, et il transmet des valeurs tantôt hédonistes, tantôt stoïciennes, avec une ferveur simple qui force le respect, et dont notre époque a bien besoin.

zardoz6704
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le 1 août 2015

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zardoz6704

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