Les Sept contre Thèbes
Après avoir examiné le cycle thébain de Sophocle, remontons encore un peu le temps, vers 467BC où cette tragédie d'Eschyle fut jouée.Malheureusement, cette tragédie est la troisième partie d'une...
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le 5 oct. 2024
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Les Sept contre Thèbes est la deuxième tragédie composée par Eschyle, du moins parmi celles qui nous soient parvenues : le texte s'inscrivant, comme pour une écrasante majorité de ses écrits, dans une tétralogie (en troisième position plus exactement).
Comme pour Les Perses, Les Sept contre Thèbes est l'occasion pour le premier des trois grands tragiques grecs de placer le spectateur athénien dans le camp de l'adversaire, les deux Cités ayant été rivales durant la période archaïque (ainsi que durant la période classique qui ne faisait alors que commencer). Reste qu'on s'éloigne ici de la ferveur patriotique des Perses. En effet, aucun athénien, héros ou civil, n'est présent dans Les Sept contre Thèbes, et il s'agit de toute façon d'un récit purement mythologique, sans lien direct, du moins à notre connaissance, avec des événements s'étant déroulés quelques années plus tôt, comme c'était le cas pour l'autre pièce sus mentionnée. La présence d'Argiens dans le camp adverse aurait cependant tendance à placer le spectateur athénien du côté de ce camp-là. Cela dit, le choix de la ville assiégée n'est pas anodin pour autant, Athènes l'ayant été 13 ans plus tôt, en 480, lors des guerres médiques. En somme, la ferveur patriotique se reporte ici sur le rôle d'Étéocle, dans le camp des assiégés, prêt à se sacrifier, à faire ce qui est nécessaire afin de sauver sa cité.
Parlons du personnage principal justement. Bien que les antagonistes soient bien identifiés, ces derniers commettants des rites maléfiques en « égorgeant un taureau sur un bouclier noir et posant leur main sur la victime taurine » par exemple, Étéocle n'est pas présenté comme un héros pour autant. Certes, il est le personnage principal du récit, celui qui expose la situation, qui s'adresse au chœur… reste que d'un autre côté, c'est quand même un gros misogyne (rien de surprenant chez les grecs me direz-vous, tragiques y compris), et que de l'autre, il met les dieux de côté, croit d'abord en lui et aux hommes capables de défendre la Cité physiquement, avant de croire en les divinités olympiennes. Certes, Étéocle a l'avantage d'être lucide, reste que de l'autre, on ne peut qu'être surpris par une telle faible présence des divinités grecques. Encore une fois, on retrouve le style d'Eschyle à travers le personnage, l'auteur préférant rendre les hommes responsables de leurs actions plutôt que de s'en remettre exclusivement aux dieux, comme ça pouvait être le cas chez Homère par exemple : preuve qu'à l'époque où fut écrite la pièce, la religion grecque était davantage politique que métaphysique. Chez Eschyle, tout comme chez Étéocle, il faut donc que les citoyens se défendent pour que les dieux viennent protéger la ville. Cela n'est pas sans rappeler la réponse des stoïciens à « l'argument paresseux », à la métaphore de Chrysippe rapportée par Cicéron dans le Traité du destin, que l'on retrouvera quelques siècles plus tard : un cône et un cylindre ont beau partir du même endroit et subir le même choc initial, leur forme fait qu'ils prendront tous deux des chemins complètement différents. Autrement dit, c'est à l'intérieur de nous-même que le mouvement du corps trouve sa raison déterminante.
Tout comme pour Les Perses, on retrouve la compensation des excès chère à Eschyle, cette volonté de faire triompher le bon droit. En d'autres termes, tout doit rentrer dans l'ordre : l'hybris de Xerxès conduisit son armée à sa perte, tout comme la rivalité entre Étéocle et Polynice conduisit les deux à mourir lors du même duel, mettant fin de ce fait à la malédiction œdipienne.
L'histoire des Labdacides (Œdipe & Cie) n'est, en effet, pas sans rappeler celle des Atrides (Oreste & Cie), elle aussi traitées par Eschyle, dans L'Orestie justement : les familles étant toutes deux victimes d'une malédiction. Et dans les deux cas, l'auteur s'intéresse bien plus à la transmission et à l'extinction de la malédiction plus qu'à son apparition, d'où l'importance du sacrifice d'Étéocle. En ce qui concerne la famille qui nous intéresse ici, la première évocation littéraire que nous en connaissons se retrouve au chant XI de l'Odyssée : comment souvent chez les grecs, Homère n'est jamais bien loin.
La structure du texte d'Eschyle se révèle cependant inégale. En effet, le deuxième épisode occupe environ un tiers de la pièce, et le coup de la présentation des différents antagonistes, avec la désignation du héros thébain, par Étéocle, bien que marquantes, et ayant l'avantage de ne pas être ni trop longue ni trop courte (évitant le côté catalogue cher à Homère, ou, à l'inverse un trop-plein de descriptions superflus qui aurait fini par me perdre), sonne comme étant un peu trop répétitive à mon goût.
Sans pour autant être devenue inintéressante, je trouve que la pièce a perdu en intérêt aujourd'hui, tout du moins du point de vue d'un simple lecteur. L'absence des autres morceaux de la tétralogie se faisant cruellement ressentir, ne serait-ce que par manque de contexte, pour le profane que je suis, et les motivations d'Eschyle faisant parfois doublon avec d'autres de ses écrits, du moins avec Les Perses, qui est son seul autre écrit que j'ai lu jusque-là.
À lire pour la culture donc.
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le 15 mars 2025
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Après avoir examiné le cycle thébain de Sophocle, remontons encore un peu le temps, vers 467BC où cette tragédie d'Eschyle fut jouée.Malheureusement, cette tragédie est la troisième partie d'une...
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le 5 oct. 2024
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le 15 mars 2025
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2
Il est impossible d’avoir un plein avis sur une pièce de théâtre d’Eschyle tant nous sommes ici au balbutiement du théâtre, tant la beauté de la langue ne peut supporter la traduction et doit assumer...
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le 14 mai 2024
1 j'aime
livre qui serre a rien car je métrise déja bien la lange de moliaire, je le conseille néant moin a ceu qui on dé probléme pour ét crire.
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le 22 mai 2013
20 j'aime
10
Clairement moins bon que Arkham Asylum, tu auras beau foutre un environnement ouvert dans ton jeu, si c'est pour se taper 25 mille allers-retours ça n'a strictement aucun intérêt. Pareil pour les...
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le 28 janv. 2014
15 j'aime
Cette critique porte sur les trois premières saisons et partiellement sur la quatrième (vu en avance très rapide et en moins d'une demi-heure). Je déteste cette série ! Mais à un point où je crois...
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le 22 mars 2020
14 j'aime
5