On pouvait voir à travers cette personne ! Pourtant, [Il] pleurait de vraies larmes

Le livre s'ouvre sur Monsieur heureux, précisant quelques lignes plus tard que l'histoire ne va pas parler de lui mais de quelqu'un d'autre. Voilà, même dans sa propre histoire, Monsieur Personne n'a pas le droit d'avoir la première place. Un début parfait, suivi de quelques passages tout aussi géniaux : "Sur la branche d'un arbre, il vit quelqu'un qui était là... mais qui n'y était pas ! Oui, les deux à la fois ! Je sais, cela peut paraître étrange, mais c'est la vérité : on pouvait voir à travers cette personne ! Pourtant, cette personne pleurait de vraies larmes". Et c'est là que j'ai su que j'allais adorer ce livre. Parce qu'on ressent tous parfois la même chose que M. Personne : cette impression d'être invisible, d'être à la fois présent et absent, ici et ailleurs, et pourtant triste, aussi triste que n'importe quelle personne à part entière. Ou peut être pas tout le monde. Mais moi si. Et M. Personne est probablement de ce fait mon personnage de Monsieur/Madame préféré.

" - Moi ? Je ne suis personne ! - Personne ? Mais tout le monde est quelqu'un, s'étonna monsieur Heureux. - Tout le monde, sauf moi !". Comment ne pas s'attendrir pour ce pauvre M. Personne, lui qui semble répondre "je ne suis pas important" quand on lui demande de se présenter, lui qui se sent si seul, unique dans le mauvais sens du terme, celui qui fait souffrir.Malheureusement, l'histoire ne porte pas tant sur le fait de se sentir invisible et insignifiant et inimportant que sur ce qu'ils appellent "être quelqu'un", et qui me fait plus penser à "être important" qu'à "se sentir important". Et j'aime beaucoup moins.

En effet, le "tout le monde est quelqu'un" de M. Heureux sera transformé sur la dernière page en un "Tout le monde peut être quelqu'un", qui semble affiché comme la morale de l'histoire. Personnellement, si je devais choisir une citation comme morale, je prendrais plutôt celle là, bien plus intéressante selon moi : " - De quelle couleur voudriez-vous être ? demanda le magicien. - Quand on est personne, on n'a pas de couleur... fut la triste réponse. - Choisissez, vous ! dit alors le magicien à monsieur Heureux". Voilà de quoi soulager la tristesse de M. Personne à mon sens : être indéfini n'est pas forcément un mal. Être perdu, ne pas encore savoir qui l'on est. Celà veut simplement dire que tout les choix sont encore possibles, que plusieurs voies nous sont offertes et qu'il ne reste qu'à en choisir une, prendre le temps de découvrir celle qui nous convient. (Ahaha, ça me fait penser à un épisode de Mon Petit Poney qui parle des dessins qu'ils ont sur la peau).

Le livre semble vouloir dire qu'il est en notre pouvoir de cesser d'être personne. Mais quand on y pense, M. Personne n'a rien pu faire d'autre qu'attendre d'avoir de l'aide. Qu'attendre que quelqu'un les remarque, lui et son invisibilité. Il a juste eu de la chance que M. Heureux s'intéresse à lui. Et puis encore de la chance de trouver un magicien qui aie la solution à son problème. Solution plutôt farfelue, soit dit en passant, qui se résument en "si quand on est PERSONNE, on ne boit pas, c'est qu'il faut boire QUELQUE CHOSE pour devenir QUELQU'UN !". Non pas que ça me dérange, quoi que selon moi ça n'aurait pas été plus mal avec tout les mots en minuscule. Alors oui quand on y pense, le pauvre M. Personne ne pouvait rien faire pour sortir de sa situation. Alors quoi ? Peut être que le livre dit juste d'attendre. Mais de relativiser en attendant. Honnêtement, ce n'est déjà pas si mal.

Mais il-y-a quelque chose qui me dérange au plus haut point, qui me met affreusement mal à l'aise. Monsieur Personne boit la potion et il devient quelqu'un. Jusque là, ça va. Mais il ne devient pas n'importe qui. Il devient une copie conforme de M. Heureux ! Alors là, NON, NON, NON ! (et les majuscules sont de mise cette fois). A mon humble avis, mieux vaut n'être personne qu'être quelqu'un d'autre que sois-même ! J'ai l'impression que tellement de gens sont tentés de faire ça, juste calquer leur identité sur celle de leurs amis, sans vraiment se questionner. Et vraiment, cet immense gâchis m'insupporte. Trouver qui il est oui. Prendre le premier venu et lui voler son identité, NON ! Alors je vais simplement me dire que c'est à prendre dans le sens où être comme monsieur heureux (jaune), ça veut simplement dire qu'à présent il est heureux. Oui, je vais simplement me dire ça et oser espérer qu'il est toujours unique. Mais j'ai du mal à m'en convaincre, et je me sens un peu triste, comme si ce M. Personne que j'aimais tant (avec toutes ses insécurités) avait disparu définitivement.
Miss-Naïs
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le 13 sept. 2013

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