Qui a dit que le théâtre était un genre à la dérive, mort depuis le XIXème siècle ? Qui a osé énoncer que le sixième art n'était qu'un vecteur d'ennui profond, incapable de s'adapter au monde contemporain en ne proposant que des trames propres à la fin de la Renaissance ? Si de tels propos venaient à s'introduire dans l'esprit de certains, la lecture de la pièce Marius, écrite par Marcel Pagnol, devrait suffire à faire disparaître ces poncifs, malheureusement trop souvent entendus.
Premier volet de La Trilogie Marseillaise, cette oeuvre est une représentation, que dis-je une photographie, des scènes de vie d'un cercle de provençaux. Le héros éponyme du récit, fils d'un tenancier de bar situé sur le port le plus célèbre de France, navigue entre son amour pour Fanny, une petite marchande de coquillages, et son désir ultime de découvrir le monde, attiré par les charmes doucereux bien que parfois trompeurs des flots méditerranéens.
A travers ce synopsis d'une extrême simplicité, le lecteur sera transporté à travers les scènes et les actes de cette pièce. Grâce à une écriture réalisée au cordeau par son auteur, Marius apparaît comme étant d'une réelle justesse de bout en bout en évitant les poncifs du genre théâtral. Avec une galerie complète de personnages attachants, bien que pour certains caricaturaux, le lecteur se sent happé dans les profondeurs du récit et s'étonnerait presque de voir les divers protagonistes prendre vie près de lui. A travers les pages, il aperçoit et voudrait venir en aide à Marius, torturé par son désir d'aventure tout en ne voulant pas quitter ceux qui lui sont proches. Il se surprend à prendre en sympathie César, qui, malgré son caractère bourru, semble être la matérialisation même de l'ambivalence de par son amabilité dissimulée. Enfin, il aimerait venir en aide à Fanny, tenaillée entre son amour pour Marius et sa volonté de ne pas lui ôter ses rêves de voyage.
Bref, bien que marquée par un fort accent provençal, cette oeuvre ne tombe jamais dans le piège de la parodie ridicule. Au contraire, à travers des répliques iconiques ayant marqué l'histoire de la littérature du XXème siècle, Marcel Pagnol aura su créer une des pièces les plus marquantes de son répertoire, alternant entre comique grandiose et authentique tragédie. Ainsi, si le chef d'oeuvre devait se définir en un seul mot, on pourrait presque dire qu'il pourrait se résumer au terme Marius.