Quand perpétuité veut dire éternité. Comment espérer une vie meilleure, alors que les barreaux et ce qu'ils impliquent sont le seul horizon visible à des kilomètres ?


Alors c'est vrai, Marianne n'est pas emprisonnée par erreur. C'est une meurtrière (accidentelle ?), à qui la justice a décidé de ne pas faire de cadeau parce qu'elle a paralysé la vie d'une flic, dans tous les sens du terme. Mais... Marianne a un passé compliqué, une enfance différente. Non, pas tellement plus que d'autres. C'était simplement une rebelle. Et elle a pris perpet' parce qu'elle a fait du mal en toute conscience.



Un réalisme à toute épreuve



Qu'est-ce qu'elle est douée K. Giebel, pour nous dépeindre l'univers carcéral français dans toute sa froideur brutale. Promenade interdite pour les durs à cuire, douche de dix minutes (quand on ne subit pas l'assaut d'une meute de hyenes), bouffe à vomir, lit en béton, cellule rikiki, tapage nocturne, bastons, matons...
Elle est tout aussi douée pour créer des personnages complexes, nuancés, plus vrais que nature. Si un roman réussi est une montagne russe faite d'émotions, Meurtres pour rédemption en est la référence absolue. Si la violence des coups fait vibrer nos boyaux, la brutalité des souvenirs, du manque et des mots fait bouillir notre cerveau.


Chaque personnage a sa part d'ombre et de lumière, au fil des pages (sauf peut-être Solange alias La Marquise...). L'exemple le plus pertinent, la protagoniste. Marianne est une brute mauvaise et méchante. Dans les mots et les actes oui, mais dans l'âme ? La prison a fait d'elle une machine à tuer. A nourri en elle une rage contre sa famille, contre la loi, mais elle estime l'amitié des uns et court après l'amour des autres, deux sentiments dont la perte la ferait souffrir. C'est là qu'en tant que lecteur.ice, on en vient à éprouver de l'admiration, de la pitié et de l'attachement pour elle. Parce que K. Giebel s'est atelée à la délicate tâche de dévoiler l'humaine cachée dans l'enveloppe de monstre qu'on lui martèle.



Une critique de la société



De nombreux questionnements viennent chambouler nos préjugers et nos facilités de penser. Vaut-il mieux la justice ou la vengeance quand la justice se trompe et que la vengeance a raison ? La condamnation a perpétuité n'est-elle pas le meilleur moyen d'aliéner une personne qui aurait pu être sauvée ? La prison n'a t-elle pas tendance à nier l'humanité des détenus, faisant d'eux des monstres dont les chances de réintégrer la société s'amenuisent avec le temps ? Qu'est-ce que la liberté : la fin d'une entrave après un enfermement inhumain, la solitude après l'amour passionnel, ou la mort ?


D'autres sujets forts sont abordés, ils ne manquent ni d'intérêt ni de matière : l'abus de pouvoir, la corruption, l'amour, le suicide...



- Les faiblesses du roman



J'ai admiré la justesse avec laquelle l'auteure retranscrit la douleur, qu'elle soit physique ou psychologique. Néanmoins, l'escalade de violence a fini par tuer, selon moi, l'admiration que je vouais à Marianne. Parce qu'elle était forte, qu'elle est devenue surhumaine, et que moi, je m'en fous des superhéroïnes.


La vraissemblance c'est aussi savoir s'arrêter. Pour moi, il y a une centaine de pages en trop dans le troisième acte du roman. Je m'y suis presque ennuyée parce que je voulais a tout prix une réponse à une question laissée en suspend depuis des pages et des pages, et qu'elle ne m'était jamais donnée pour laisser plus de place à une "nouvelle" relation amour-haine un peu redondante. J'ai trouvé que des scènes étaient des redites. Ces quelques répétitions auraient pu être tout simplement coupées.



+ Les forces du roman



Sa narration hors du commun, omnisciente et interne à la fois, est un coup de génie. Passer de la tête de Marianne à une vue d'ensemble c'est pouvoir à la fois s'identifier à elle et prendre du recul sur les événements. K. Giebel saute d'un esprit torturé à un autre, dans un même chapitre, sans perdre le/la lecteur.ice et sans perdre en vraissemblance. J'ai été bluffée par cette technique !


Mais aussi, le climax du roman, les cent dernières pages se succèdent à toute vitesse. Je me suis laissée emballée par l'action.


Et puis sa fin, dont je ne dirais pas un mot, si ce n'est qu'elle m'a profondément émue.



Le mot de la fin



Meurtres pour rédemptions est une expérience proche de Orange Is The New Black, en moins humoristique et en plus gore. Plus sérieusement, je le recommande aux avides de sensations fortes, qui n'ont pas peur des pavés et qui ont le coeur accroché.

abauteure
9
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le 14 févr. 2022

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