Mickey7 est un roman d'anticipation (récemment adapté au cinéma par Bong-Joon Ho, avec une carte Uno+10 pour que le titre corresponde à l'année d'élection de Trump... Oui, le film n'a pas vraiment les mêmes combats que le livre) dans lequel on suit la septième réincarnation de Mickey Barnes, un gars un peu "gentil" (pas finaud, mais tellement sympa) qui aurait dû mieux lire les petites lignes du contrat de "Consommable" à bord de la mission de la colonie extra-terrestre sur la planète Niflheim... Le voici donc devenu un ouvrier dont la fonction principale est de mourir, un "crash-test humain" qui prend les explosions pour vous, tousse du sang au premier virus qui traîne dans l'air de la nouvelle planète, essaie tous les vaccins possibles et imaginables, et se fait ré-imprimer inlassablement. Mickey vit (et meurt), essaie d'aimer sa fiancée au passage, essaie d'éviter le chef de la Mission (pas le "Trump" du film, ici c'est un militaire qui le déteste uniquement car il est "nataliste", il ne conçoit pas l'âme dissociée du corps qui la contient, les "réimpressions" lui semblent donc diaboliques), et essaie surtout de ne pas laisser éclater le scandale qui le touche depuis une récente expédition ratée. Le scandale ?
Un autre lui-même (Mickey8) qui n'a rien à faire là, puisque le 7 est encore vivant
, ce qui "vole" 70kg de matières premières à la Station spatiale (pour imprimer le corps de 8), ce qui pose la question éthique de l'âme et de la vie (une question morale et/ou religieuse que personne ne veut se poser, à cette époque future déjà gorgée de problèmes... "Pas besoin de ça en plus", pour résumer), ce qui nécessite deux fois plus de nourriture... Là où le livre marque plus de points que le film, c'est dans la psychologie des deux Mickey (il n'y a pas tant de différences entre eux que dans le film : les deux sont des bons gars, qui ne veulent pas mourir et envoyer l'autre au recycleur, ils sont unis d'emblée, ce qui fait plaisir à lire), dans la psycho du "méchant chef" (que l'on comprend ici, sans besoin de la cautionner : c'est une éducation religieuse, des croyances fortes, qui le guident dans sa haine, et à part gueuler, il ne fait pas grand-chose, donc on devine qu'il n'est pas aussi vilain qu'il veut le laisser voir, il essaie juste d'éviter de croiser Mickey en retour), et dans sa description de son univers qui est ultra efficace (on s'y croirait : Mickey est un peu "gentil" comme on l'a dit, donc il décrit tout très simplement, alors on comprend tout, sans buter sur la bizarrerie de l'univers ou des mots trop savants, ce qui est agréable). Notons aussi que le livre est très court, ce qui se ressent surtout à la fin carrément expédiée :
pas de bataille, on a juste Mickey8 qui se fait tuer par les vers de glace pour "payer" le génocide spéciste que le chef militaire voulait faire (on ne parle même pas des pertes chez les vers, on suppose que l'idée-même de nuire à autrui est plus forte que les dégâts matériels, pour cette espèce locale pacifique). Notez bien que le méchant ne meurt pas (contrairement au film), ici il s'invente une nouvelle croyance : celle que les vers détiennent la bombe que tenait Mickey8, alors que Mickey7 l'a récupérée (et se garde bien de le dire, pour garder le statu quo pacifique), prolongeant la critique des croyances toutes faites, ici une ignorance qui arrange bien la paix entre les peuples (oui, le livre est plus fin que le film)
. En revanche, si vous tentez la lecture, préparez-vous à un programme Comme J'aime de l'enfer, un peu comme ces pubs qui interrompent vos émissions préférées (on a tous subi ces satanées pubs), car si vous retirez les phrases qui calculent les calories auxquelles les personnages ont droit, le livre fait 10 pages. On exagère, bien sûr, mais c'est dans le but de souligner combien cette obsession de calcul de calories est pénible à lire, redondante, et pas franchement pertinente (on a compris qu'ils crèvent la dalle, inutile de faire des calculs Weight Watchers à toutes les pages...), rendant parfois la lecture un peu moins palpitante (idem, les menus de la cantine, en boucle, on s'en contrefiche). Ne serait cette récurrence pas indispensable, le livre est vraiment un excellent complément aux faiblesses du film, et permet d'apporter beaucoup de lumières sur les choix pris par l'adaptation (on préfère carrément l'histoire des Premiers Multiples du livre, c'était vraiment plus fou qu'un bête serial-killer à trois victimes et demi... Dommage de n'avoir pas vu ça à l'écran !). Le livre est court, très agréable à lire, surtout si vous sautez les pubs Comme J'aime.