Publié sur L'Homme qui lit :
Il est difficile de se mettre à écrire sur une institution de la littérature nord américaine, cinquante cinq ans après sa parution. Publié en 1960, To Kill a Mockingbird est l’une des nombreuses nouvelles écrites par Nelle Harper Lee, que l’éditeur à qui elle l’avait adressé lui fit retravailler pour devenir un roman. Immense succès depuis sa publication, le livre obtient en 1961 le prix Pulitzer et figure dans bon nombre de programmes scolaires aux USA, ce qui en fait régulièrement l’ennemi de tout un tas de zélateurs et de partisans en tout genre.
L’auteur, qui se fait simplement appeler Harper Lee, est un mystère de discrétion, tant dans les médias que sur la scène littéraire, puisqu’elle n’a jamais publié d’autre roman depuis. En octobre 2015, elle crée l’évènement en publiant à 89 ans Va et poste une sentinelle, un roman écrit avant To Kill a Mockingbird, retrouvant les mêmes personnages. A cette occasion, l’éditeur français Grasset publie une nouvelle édition de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, ce qui permet à certains retardataires de se plonger dans cet emblème de la littérature états-unienne.
Nous sommes dans les années 30 à Maycomb, ville imaginaire de l’Alabama, état du sud est américain et très conservateur. La narratrice, Scout (Jean Louise) est une petite fille de même pas dix ans, élevée par son père veuf, un avocat du nom d’Atticus Finch, aux côtés de son frère Jem (Jeremy), à peine plus âgé qu’elle. Scout est une petite fille bagarreuse, habillée d’une salopette, jouant avec les garçons et qui est décrite comme un garçon manqué.
Aux cotés de son frère et de leur copain Dill, ils vivent les aventures ordinaires de gamins américains grandissants dans un pays sévèrement marqué par le krach boursier de 1929, cohabitant avec une population noire souvent stigmatisée. Le roman se concentre sur une difficile période pour la famille Finch, où le père se retrouve à défendre un noir accusé d’avoir violé une blanche, dans un procès qui fait déjà beaucoup de bruit avant même d’avoir commencé.
Dans ce milieu faussement guindé, parmi les remarques négligentes et le racisme poli sur cet homme blanc accusé de préférer défendre des noirs, Scout et son frère devront apprendre à grandir, toujours guidés par Atticus, un homme qui semble avoir toutes les qualités du père idéal : une patiente hors du commun, un amour indiscutable pour ses enfants, une intelligence sans pareil pour l’éducation.
J’ai dévoré ce roman, et je comprends sans difficultés le succès qu’il rencontre aujourd’hui encore. S’il décrit une tranche de vie d’une amérique pourtant dépassée de presque un siècle, il reste d’une effroyable modernité pour ce pays très ambivalent sur la question raciale. A la fois roman d’apprentissage, raconté avec la naïveté d’une enfant en pleine découverte de la vie, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est également un formidable roman qui interroge sur les valeurs d’une société par le prisme de l’innocence. Une lecture indispensable !