J'ai beaucoup aimé ce classique qui semble très apprécié par bon nombre de lecteurs et lectrices. Jane Austen a une plume toute en finesse fort agréable à lire et une façon de décrire la psychologie des personnages plutôt avant-gardiste, si on considère l'époque de laquelle elle est issue ( début 19e siècle).
J'ai été particulièrement ravie de son personnage Élisabeth. Alors que la plupart des romans Arlequins de l’époque promouvaient des personnages féminin faibles, stupides et artificiels, le tout dans une romance mièvre sous patriarcat mâle dominant, Jane Austen nous fait la joie d'un personnage intelligent, réfléchie, intuitive et capable de se faire ses propres opinions. Un personnage féminin capable d'être le complémentaire de son alter ego masculin.
La plupart des personnages étaient assez différents les uns les autres et cette variété est intéressante. Tantôt hypocrites, tantôt libertins, d'autres fois rusés, parfois même un brin imbécile, il y a avait vraiment de tout. J'ai trouvé Mr.Collins particulièrement détestable avec sa fausse candeur et sa prétention impertinente, voire même insultante.
La romance était magnifique, car elle prend le temps de s'installer dans l'histoire et prend ses assises dans des sentiments nobles, sincères, et des actions généreuses, altruistes. Les plus belles romances sont justement celles où on apprend sur soi et où on tire du meilleur de l'autre, comme c'est le cas ici. Mr.Darcy et Élizabeth ont su mettre en lumière les qualités de l’autre certes, mais ils ont aussi su voir au travers de leurs défauts des forces cachées.
Niveau dialogue, les personnages ont un langage "soutenu", on ne jouale/argote pas quand on lit du Jane Austen, même quand on est un personnage pas très brillant. J'ignore si ce langage précieux a déjà existé, mais si c'est le cas, parler était un art!
Histoire: Monsieur Bennet a cinq filles: Jane, Élizabeth, Mary, Lydia et Catherine dite "kitty". Un jour, un jeune noble, Mr. Bingley, s'installe dans la grande demeure voisine. Dans le village, son arrivé est source de grande excitation. En effet, quel beau parti ce jeune homme ferait pour une jeune fille célibataire! Et que dire de l'ami de Mr.Bingley, le taciturne et orgueilleux Mr.Darcy. C'est peut-être aussi un beau parti, puisqu'il est au sommet d'une lignée noble et d'une famille riche, mais son comportement n,a rien de très attirant. Si Mr.Bennet est un gentilhomme, sa famille n'est pas noble et très vite, on sens entre les divers personnages les préjugés entre classes sociales. On n'apprécie guère les manières de Mrs. Bennet, jugé trop "paysane", mais Jane et Élisabeth semblent détoner par rapport à leur famille. Jane est très jolie et a des manières irréprochable qui semblent séduire le jeune Mr. Bingley. Élizabeth est vive d'esprit en plus d'être de physique agréable. Il y a donc une disparité entre la famille Bennet, entre les ainées, plus près de la manière d'être du père et les benjamines, plus près des manières de leur mère. Commencent alors des intrigues, où certains personnages n'hésiteront pas à jouer d'influence pour empêcher Mr.Bingley de revoir Jane. Entre Meryton, la maison des Collins, le château de Catherine de Bourg, Pimberley et Londres, toute une fresque de faux semblants et jeux de pouvoir s'articulent autours d'amour naissants et de mariages de convenances. La famille devra tenter de composer entre les aînés, qui gravite dans la sphère des nobles et les plus jeunes, qui n'ont sont superficielles et égocentriques, plus portées sur leurs toilettes et les militaires à courtiser. Élizabeth devient même l'objet de l'adoration de monsieur Darcy, mais elle entretient à son égard très peu de respect. Il faut dire que son attitude taciturne et le portrait peu flatteur que lui a dépeint son rival Mr.Wickam, un parfait faux-jeton, ne jouent pas en sa faveur. À force de vérités et de réflexion, Élizabeth devra revoir son jugement, car lorsqu'un drame surviendra dans sa famille, c'est monsieur Darcy qui sera au cœur de l'heureux dénouement qui en résultera. Pour la jeune femme, ce sera l'occasion de se découvrir un partenaire de vie digne d'elle.
Jane Austen nous illustre avec élégance les jeux du paraître et une certaine malveillance qui se cachent derrière les dialogues pompeux et le savoir-vivre aristocrate. Derrière le code complexe des convenances, d'ailleurs très propre aux nobles, il y a une réalité flagrante: on ne veut pas mélanger les classes. C,est d'ailleurs peut-être pour cela que les convenances sont si complexes: elles sont donc moins susceptibles d'être reproduits par les simples plébéiens. La famille Bennet est un agréable entre-deux, noble et vif intelligente par Jane, Élizabeth, Mary et Mr.Bennet, stupide, superficiel et égocentrique par Lydia ( surtout Lydia en fait), Kitty et Mrs. Bennet. Si les premiers pourraient élevé le rang de la famille, les autres ont tendance à le rabaisser. Et bien sur, les personnages autours ne font pas dans la nuance: ils sont soit paysans soit bourgeois. C,est donc une belle réflexion sociétaire que nous amène l'auteur. C'est d'autant plus intéressant de voir Monsieur Darcy et Monsieur Bingsley courtiser les deux sœurs aînés, qui n'ont pas de fortune ou de titre comme argument de mariage autre que leur esprit, leur physique et leur tempérament.
Bref, un bel ouvrage qui encourage à découvrir les autres romans de l'autrice, qui m'a séduite pour l'intelligence de sa plume raffinée.

Créée

le 27 mai 2020

Critique lue 89 fois

Shaynning

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