Pas pleurer
6.9
Pas pleurer

livre de Lydie Salvayre (2014)

L'été 1936 fut inoubliable pour tous les français qui après la victoire du Front populaire bénéficièrent pour la première fois de congés payés. Au même moment, en Espagne, une insurrection militaire, qui rata partiellement, marqua le début d'une guerre civile atroce de 3 années dont les stigmates blessent encore la conscience collective du pays (voir la série de romans qu'Almudena Grandes a commencé d'écrire).
Automne 2014 : Lydye Salvayre, née Arjona, fille d'exilés espagnols, reçoit le Prix Goncourt pour Pas pleurer, un "roman" qui raconte à la fois la jeunesse de sa mère (Montse), entre 1936 et 37, et l'épouvante qui saisit Bernanos à Majorque devant les massacres de "rouges" perpétrés par les troupes franquistes avec la bénédiction de l'Eglise catholique. Un livre de transmission entre une mère et une fille et un réquisitoire contre le fanatisme, tous les fanatismes. Pas pleurer fait passer le lecteur par toutes les émotions : l'euphorie de son héroïne alors que Barcelone s'épanouit dans une ivresse libertaire, l'écoeurement quand Bernanos, inlassablement, fait le compte des républicains assassinés sans l'ombre d'un procès. Le saut d'un récit à l'autre est fluide, alternance de phrases courtes et cinglantes et de passages amples et travaillés (notons l'emploi récurrent de délicieux subjonctifs de l'imparfait).
Le coeur du livre réside dans les souvenirs de Montse, vieille femme usée qui semble avoir cessé de vivre à partir de son départ d'Espagne en 37. 75 ans ont passé mais seuls lui restent en mémoire les événements qui ont marqué son existence à jamais, au commencement de cette guerre civile, aux côtés d'un frère anarchiste et d'un époux (forcé) communiste, deux hommes que la haine rassemblait.
Le "fragnol", ce sabir entre français et espagnol cimente le roman. Un bonheur pour les hispanisants qui goûteront le côté picaresque du livre, notamment dans ces jurons et gros mots qui reviennent sans discontinuer dans la bouche de la vieille dame.
Il y a de la colère, de la passion, du drame et de la comédie dans Pas pleurer. Et avant tout l'hommage d'une fille à une mère laquelle, au soir de sa vie, vibrait comme une passionaria dans les bras de souvenirs indélébiles. Et qui, si longtemps tus, sont désormais passés de l'ombre à la lumière.
Pas pleurer, non. Mais ne jamais oublier non plus.

Cinephile-doux
8
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le 25 avr. 2017

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2 j'aime

Cinéphile doux

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