Pas pleurer
6.9
Pas pleurer

livre de Lydie Salvayre (2014)

J'ai vraiment beaucoup apprécié ce livre. Déjà parce qu'il m'a beaucoup appris sur la guerre d'Espagne dont ma mémoire n'a gardé aucun souvenir de ce qu'on a pu m'en dire à l'école.
Ensuite, parce qu'il nous fait découvrir une Espagne méconnaissable : c'était il y a à peine un siècle, mais quand le rat des champs va voir le rat des villes (traduisez, les gens des campagnes vont en ville crier révolution), il s'étonne de voir une baignoire dont il ignore l'utilité, il découvre l'eau courante, la porcelaine, etc, etc... Une Espagne qui vivait dans une misère qui nous paraît presque anachronique tant elle détone avec le peu de distance de notre époque.
Par ailleurs, la narration de cette épopée par le truchement de la mère de la narratrice est particulièrement savoureux : la mère écorchant gaillardement notre langue de Molière créé des jeux de mots excellents et souvent très drôles, ce qui évite au livre de tomber dans une histoire glauque et froide (comme dans L'art Français de la Guerre par exemple). Chapeau bas d'ailleurs à l'auteur qui a su raconter aussi objectivement l'histoire de sa mère (et de son père), c'est probablement un exercice pour le moins périlleux. Le style est par ailleurs très agréable, soutenu sans être inaccessible.
Enfin, côté déception, j'ai moyennement aimé les nombreux passages en espagnols qui truffent le livre de part en part : ne parlant pas un mot d'espagnol, je suis resté sur ma faim. Pour terminer, l'auteur ne peut réprimer une haine excessive de l'église espagnole de l'époque (qu'elle traite de putain de Franco, excusez du peu) : tout ce qu'elle raconte est sûrement vrai et l'église a en effet sali sa réputation et n'a pas été à la hauteur du message qu'elle doit porter : amour, espérance, charité... Mais de là à condamner l'église avec autant de vindicte, ça m'a gêné. Les prélats? des pourris. Les évêques? Des corrompus. Le pape? Une ordure.... Encore une fois, c'est très certainement vrai mais l'auteur s'est efforcée tout au long du livre de faire la part des choses entre la guerre d'Espagne vu comme un rêve par sa mère jeune révolutionnaire pleine d'espoirs et vu comme un cauchemar par Bernanos, l'écrivain qui a dénoncé les innombrables exactions et atrocités de cette guerre. Pourquoi l'auteur n'a t-elle pas cherché également à tempérer ses propos sur l'église? Car je doute qu'il n'y ait pas non plus eu de héros dans ce camp là.

Aptiguy
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le 24 nov. 2015

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Aptiguy

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