Quand on se donne le défi de lire en entier chaque roman d’une sélection, en l’occurrence celle du prix du roman des étudiants avec France Culture, on accepte que tous ne nous plairons pas même que l’on devra terminer par labeur. Cela n’est pas du masochisme, on en tire une satisfaction particulière. On devient un autre lecteur. Plus besoin de sentir quelle est la dernière pépite, pas de réflexion prolongée sur notre prochaine lecture. On est libéré. La lecture n’est pas seulement un divertissement, c’est un affineur de palais. Peau d’ours est le roman qui m’a demandé le plus de temps, je vais essayer de décortiquer ce qui m’a ralenti.
Peau d’ours est l’histoire d’une jeune fille qui vit dans un village des Pyrénées. Son physique et son orientation sexuelle sont, à l’âge cruel de l’adolescence, des prétextes de harcèlement pour ses camarades et de mépris par les adultes. “Mont-perdu”, surnom du protagoniste qui était à l’origine une insulte, se tourne alors vers la nature dans une quête d’assumer son identité. L’ours est le monstre de ce village, va t’elle en prendre la peau ?
Le roman s’ouvre sur un monologue de la voix des montagnes un discours à la première personne du pluriel. Les montagnes ont une âme et elles nous parlent. Cependant, nous ne sommes pas capables de l’entendre, sauf pour leur “petite sœur” l’héroïne. Et commence par la suite un chapitre à la première personne du singulier, Mont-Perdu. Ainsi, on alterne entre plusieurs voix. La voix des montagnes est poétique, lente et symbolique. Celle de Mont perdue est grossière saccadée et orale. Le parti-pris de l’auteur est d’écrire de la contre-littérature. Ici, les personnages ne sont pas épris de littérature, mais la littérature est éprise du réel.
Les thèmes abordés sont à mon goût très actuel : l’adolescence, le harcèlement, l’isolement, le lien entre l’homme et la nature, la spiritualité.
Quand j’ai eu le roman entre mes mains, j’étais intrigué, j’avais envie de découvrir ce personnage et son environnement. Mais j’ai peiné, à commencer, à continuer à terminer. D’abord rebuté par le langage, c’est finalement le personnage en lui-même qui devenait dérangeant, sa sexualité, notamment, ne semblait pas réaliste et elle était omniprésente. Je n’ai jamais pu m’identifier à elle et il n’y a pas réellement d’évolution. L’histoire à propos de l’ours est farfelue, la conclusion est médiocre. Quand on touche à la beauté pour une ou de phrase, la vulgarité reprend tout de suite le dessus. Le sujet qui me touchait le plus : le harcèlement, a été mal exploité. En ce qui concerne la narration. On imagine très vite comment l’histoire va se terminer, mais les événements qui s’enchaînent sont fluides et l’histoire se lit clairement. C’est peut-être le seul avantage, d’un style non-littéraire.
Je n’ai pas du tout aimé ce livre et je ne souhaite le conseiller à personne. Sur les mêmes sujets, je pense trouver des histoires qui les traiteront mieux.
Ce que cette lecture a fait de bien chez moi cependant : je veux lire des livres qui se passent dans un village en montagne, qui parlent de harcèlement. J’ai compris que le style oral ne me plaisait pas. Lire un livre jusqu’à la fin permet de ne pas avoir de regret, car certains commencent médiocrement et je les apprécie finalement.